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  • 03/03 - 06-03 - L'épreuve des trains chinois : A travers le Yunnan

    REGION DE CHONGQING, CHINE
    03/03
     


    Après un dernier déjeuner à Caijiagou et des adieux chaleureux, l'ex de la soeur de Yang m'a déposé sur le bord de la route. Pour rejoindre Nanchuan, j'avais le choix entre faire du stop ou arrêter un bus. A ma grande surprise - Yang m'avait prévenu que les gens s'arrêtent facilement, mais je restais sur deux mauvaises expériences, notamment en Thaïlande - la troisième voiture s'est arrêtée et me confirmait qu'elle allait bien à Nanchuan. Finalement, je me dis, c'est vachement pratique l'auto-stop. J'ai rechangé d'avis en même pas une heure, lorsque le chauffeur m'a demandé 20 yuans pour la course. Cette voiture familiale rouge était en réalité un taxi/uber déguisé, qui m'a coûté presque deux fois plus cher que le bus. Il faut vraiment que j'arrête de me faire avoir.
    Puis, serré et secoué dans tous les sens, je devais comparer les caractères chinois de mon téléphone à ceux du bus de Nanchuan afin de descendre à la bonne station.

    Nanchuan bus station
    Station de bus longue distance de Nanchuan


    La grande majorité des tickets sont pour Chongqing. On ne paye pas pour un bus partant à une heure précise, mais pour le premier disponible. Ce système vient du fait qu'il y a beaucoup plus de monde que de sièges disponibles. Dès qu'un bus arrivait, les gens se pressaient, allant jusqu'à se bousculer, voire doubler ceux qui tenaient mal la file. Il m'aura fallu une petite heure pour monter dans un de ces bus, qui arrivent toutes les dix minutes environ. Ils passaient un film de Mr Bean (heureusement pas doublé en chinois). Chongqing est fidèle à sa réputation de ville constamment embouteillée. Le retour a duré deux fois plus de temps que l'aller. J'ai retrouvé mon auberge de la semaine dernière, un récital de ronfleurs en plus.


    CHONGQING à KUNMING, YUNNAN
    04/03


    A 9h, la salle de réception était vide de réceptionnistes. Mon train pour Kunming partait à 11h. Il fallait que je rende les clef et récupère ma caution. J'avais beau sonner, personne ne répondait. Au bout d'un moment, j'ai crié "HELOOOOOO" (aux grands maux les grands hello). La veille, mon aubergiste m'avait briefé sur la manière de me rendre à la gare, mais ni lui ni moi n'étions sûrs qu'il s'agissait de la bonne. Yang avait réservé mes deux billets, pour une quinzaine d'euros en tout. Cependant, la réservation écrite en chinoise indiquait seulement "gare de Chongqing". Sachant qu'on est dans une des plus grandes villes de Chine, avec quatre gares... ils sont mignons. J'ai donc pris un taxi au cas-où. Arrivé à 10h à Chongqing West, vous n'imaginez pas à quel point j'étais soulagé que la guichetière accepte mes numéros de réservation et m'indique la porte de mon train.

    Chongqing West
    Gare de Chongqing Ouest


    Quelle gigantesque gare ! Pour info, c'est la deuxième plus grande de Chine, après Xi'an Nord. Elle est toute neuve, car ouverte il y a seulement plus d'un mois, le 25 janvier 2018. Avec ses nombreux halls, elle accueille environ 15 000 personnes à la fois, et dessert (presque) tout le pays.
    Moi, je n'ai pas cette ambition. Ma destination, Lijiang, n'a pas de correspondance directe, m'obligeant à prendre deux trains différents. Le premier a duré 12 heures pour 850 km dans un "train normal" (pas direct ni à grande vitesse), mais - c'est là que ça devient intéressant - sans siège ! Il ne restait plus de places au départ de Chongqing. Sur les quatre catégories de billets : "soft sleep", "hard sleep", "hard seet" et "standing", les deux dernières sont au même prix, car le train n'est pas rempli du début jusqu'à la fin.

    Selon Yang, pas grave, car je trouverais toujours un siège ou un endroit pour m'asseoir, et en plus, la période post nouvel an est l'une des plus creuses de l'année. Il a eu tort pendant les trois premières heures. Certes, je n'étais pas debout, mais grossièrement entassé entre les toilettes, la poubelle et les robinets, avec les autres malchanceux qui, comme moi, avaient réservé leur billet trop tard. Je me suis immédiatement installé dans le seul coin du compartiment, utilisant mon sac de couchage comme dossier de fortune. Malgré les interdictions, fumer à côté des toilettes est toléré. Certains ne se privent même pas de fumer sur leur siège, à côté de familles avec des enfants. Progressivement, le coin de fortune s'est transformé en un dépôt d'ordures.

    Les places disponibles dépendaient de la popularité des arrêts. Le compartiment s'est assez bien vidé en milieu de trajet, pour se remplir de nouveau à la fin. Occuper une place vacante, c'est comme jouer au loto. On ne sait jamais si on a misé sur un numéro gagnant. Disons que, sur une quinzaine d'arrêts, je suis resté assis durant presque dix d'entre eux. Pas si mal, je pense. Lorsque j'étais sur un siège, j'appréhendais chaque arrêt, et quand je me faisais gentiment expulser, le retour à cette "consigne" pestilentielle était brutal. Je préférais rester debout ou m'asseoir dans l'allée, malgré le passage des gens.
    12h, c'est long. Mes snacks, livres et films m'ont bien assisté dans cette épreuve.


    KUNMING à LIJIANG, YUNNAN
    05/05 - 06/05


    Mon auberge à Kunming était introuvable, car située au 18e étage d'un bloc d'immeubles. J'avais seulement sa position GPS sur Maps.Me, assez incorrecte, et aucune indication. Arriver vers minuit n'aidait pas. Je me suis fait accompagner par deux agents de sécurité. L'un d'eux, complètement beurré, s'est déclaré porteur de mon sac de couchage, pour me demander 10 yuans à l'arrivée. Moi aussi, dans un sens, j'étais beurré. Je ne savais plus où j'étais et marchait comme un robot derrière les agents, qui utilisaient leur badge pour entrer où ils voulaient. C'est à peine si je savais qui j'étais.

    Kunming bloc
    Bloc d'immeubles à Kunming


    L'auberge est un appartement à deux pas de la gare que la propriétaire a aménagé en dortoir. A mon réveil, il était désert. Mon deuxième train pour Lijiang était à 21h, donc j'ai pris mon temps pour partir. Je suis retourné à la gare pour faire garder mon sac de voyage, mais ne savais pas exactement quoi faire ensuite.
    Contrairement à l'Inde, je ne m'étais pas vraiment renseigné sur la Chine, sauf les principaux lieux a voir. Quant au reste, je trouve passionnant de découvrir par moi même les spécificités culturelles et psycho-sociologiques de ses habitants. Je note par exemple, à cet instant (13 janvier, 17h, Kunming (le retour)), que parler anglais ne sert définitivement à rien. Pourtant, c'est juste automatique quand on voyage depuis un moment. Je pourrais aussi bien parler moldave. Vraiment. Je viens de parler français à un serveur après avoir essayé l'anglais. je suis certain qu'il n'a pas remarqué la différence.

    Ce jour là, je n'avais pas envie de faire de "tourist spot", sachant que j'y reviendrais de toute façon, par bus, en m'arrêtant à Dali au passage. Je suis resté dans un café situé dans une grande avenue commerciale. Un français apparemment en étude à l'année expliquait les rudiments de la vie à Kunming à sa mère venue lui rendre visite. Pour moi, ce n'est qu'une très grande ville très ensoleillée pleine de cerisiers en fleurs.
    Retour à la gare. S'y repérer était assez compliqué, car même le nom des villes n'est pas traduit. En réalité, j'appréhendais particulièrement le train. Tout d'abord pour la difficulté et le doute persistant de descendre au mauvais arrêt ou pire, de monter dans le mauvais train. Si c'était sûrement possible en Inde, ici trois contrôles de billets sont effectués. Aussi, voyager seul implique de devoir garder un œil sur ses bagages. Encore une fois, les casiers de rangement sont suffisamment hauts et larges pour dormir sur ses deux oreilles.

    Le train de nuit était moins fatiguant que le premier. Tout le monde avait son siège pour ces 9 heures de route et quelques 500 km de distance jusqu'à Lijiang, à l'ouest du Yunnan.

    Train to Lijiang
    Train Kunming - Lijiang


    Les gens prennent leur aises. Ils déballent leurs provisions et s'allongent de manière insolente sur chaque surface carré de siège disponible. J'étais avec des bons vivants qui ont essayé de me saouler avec de la liqueur. J'avais bien besoin d'un remontant. Si je les écoutait, c'était toute la bouteille. L'eau bouillante à volonté des robinets est très pratique pour les nouilles instantanées. Mes compagnons de voyage semblaient un peu déçus que je ne puisse pas communiquer, ce qui ne les empêchaient pas de continuer à me parler. Entre eux, je ne savais jamais s'ils riaient ou se disputaient, mais ils mettaient l'ambiance. On m'a offert moulte viande séchée et de la précieuse batterie. J'ai donné du confort en offrant mon sac de couchage en échange. Ronfleurs invétérés qu'ils étaient, je savais bien que je ne dormirais pas.

    Bilan : deux bouquins et deux films pour deux trains. C'était une expérience éprouvante, mais qui passait beaucoup mieux que je l'imaginais.

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