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08/03 - 09/03 - "Gorgeous Gorges" - Les Gorges du Saut du Tigre (et plus loin encore)
- Par cpt-tibo
- Le 19/03/2018
- Dans Yunnan
- 3 commentaires
Gorges du Saut du TigreA 60km au nord de Lijiang, les Gorges du Saut du Tigre sont considérées comme les plus belles et les plus anciennes de Chine. Certains disent que ce sont les gorges les plus profondes du monde. Quel bonheur d'y être à l'intérieur (et quelle introduction de poète). Le majestueux Yangtsé, plus long fleuve asiatique, prend sa source au Tibet et franchit les gorges jusqu'au nord de Shanghai dans la mer de Chine Orientale. A des centaines de mètre au dessus, on pouvait quand même entendre le vacarme de son débit fracassant. Entre montagnes, glissements de terrains réguliers, chemins à flanc de falaise, mal voire pas du tout indiqués, villages naxis, troupeaux de chèvres, etc, cette randonnée est parfois difficile mais toujours magnifique.
TIGER LEAPING GORGES, YUNNAN, CHINE
08/03 - 09/03Avare de temps et d'argent comme à mon habitude, je prévoyais de finir le parcours en une journée. Généralement, il se fait en deux jours, de Qiaotou à la Tina's Guesthouse, d'où partent les seuls bus pour Lijiang ou Shangri La à 15h30. A moins de courir pour choper le bus à temps : deux jours obligent, car il faut compter entre six et neuf heures pour rejoindre Tina's. L'entrée coûte 60 yuans, et donne accès à tout le site, qui ne se limite pas qu'aux gorges. 21km de longueur pour 800m de hauteur, pour la première partie... pour moi...
Qiaotou : début du trekAprès 2h de trajet, le bus nous a lâché vers 9h30 à la Jane's Guesthouse : un américain, deux couples d'allemands et moi. Nous étions les seuls passagers de ce bus, le seul et l'unique en partance de Lijiang, et presque les seuls sur tout le site ! La randonnée ne commence réellement qu'après un kilomètre sur une route goudronnée, mais les paysages sont déjà au rendez-vous. Le chemin monte alors de manière assez violente. Dépasser était difficile. Deux chevaux qui bloquaient le passage m'ont obligé à effectuer un dépassement délicat. Un troupeau de coréens avançait étonnement bien, mais pas assez pour que je garde la distance avec les gens du bus. Au départ, le soleil me brutalisait sous mes trois couches de vêtements.
Avant la Naxi GuesthouseEric, un New-Yorkais, est devenu (après deux tentatives ratées de sa part) mon pote de trek. Un peu malgré moi au départ pour ne pas vous mentir. Je l'ai rapidement devancé, avant qu'il ne me rattrape pendant une pause. Quand on est reparti, je lui remit dix bonnes minutes, pendant une longue descente à travers une forêt d'arbres géants, dont les paysages et l'odeur rappelaient à des californiens leur chère région. Des pancartes poétisaient la prévention incendie : "La forêt, comme l'amour, brûle en chacun de nous". Fumer est interdit sur l'ensemble du site, vous êtes prévenus...
Après une ou deux heures de marche (plutôt une que deux)Le panorama devient intéressant à partir d'un promontoire avant la Naxi Guesthouse. Bien qu'il faisait faim, il était trop tôt pour s'y arrêter déjeuner. Je redoutais que le prochain restaurant soit un peu loin. Il l'était, pour le grand bonheur de notre estomac au déjeuner. Une autre longue partie forestière alternant montée et descente. Les "28 bends", la partie la plus montante du trail, est assez rude, mais offre un premier aperçu des gorges. Progressivement, on se sent rétrécir entre des montagnes de plus en plus imposantes.
Tea Horse GuesthouseDéjeuner au Tea Horse Guesthouse vers 14h. Pour moi, fried rice et nouilles au bœuf. Pour Eric, une assiette minimaliste de tofu avec quelques légumes verts. Dix minutes après ce lourd déjeuner, je m’aperçois que je suis arrivé malgré moi sur la route principale. J'ai fait demi-tour pour retrouver le "upper trail", bien mieux pour la vue et les sensations. Je retrouvais Eric qui s'était également fourvoyé, et l'emmenait avec moi, lui épargnant deux heures de marche sur la route.
Sapins, hautes herbes, bambous, montagnes et chemins de falaiseIl était bien content que je puisse "cheat" grâce à mon GPS. Personnellement, j'étais le premier surpris de l'avoir attendu. Bonne nouvelle : lui aussi comptait aller le plus loin possible, donc s'activait pour que nous puissions au moins atteindre le "Walnut Garden" avant qu'il fasse tout noir. En plus, étant sur la fin de son année d'étude à Pékin, il parle chinois ! C'était bien pratique. Quelques mots suffisent (pas comme Julley) pour s'ouvrir des portes inattendues (à condition de comprendre en retour). Les gens à qui il parlait étaient tellement ravis de cet effort qu'il avait souvent dû mal à arrêter la conservation.
Passage délicatFunny fact : les quatre américains que j'ai rencontré pendant le périple des gorges parlaient tous chinois, cassant un peu mon préjugé selon lequel les anglophones sont des flemmards linguistiques (peut-être que les anglais sont les seuls). En tout cas, c'est à cause de ces américains qui s'investissent courageusement dans cette langue antagonique à la notre, que les chinois nous parlent chinois. Autre funny fact : trois d'entre eux m'ont répété que Trump allait rencontrer Kim Jong. L'un était (relativement) inquiet de ce qui pourrait aboutir d'une rencontre entre ces "deux enfants".
Temps : idéal, sensations : garantiesLa deuxième partie du trail est la plus sensationnelle. Le dénivelé est d'environ 1000m. En plus des vues à couper le souffle sur les écrasantes montagnes et l'énorme rivière serpentante, on ne monte plus. Toute la hauteur nécessaire a été prise auparavant. Cela rend le trek d'autant plus appréciable.
CoucouJe me rappelle qu'à ce spot, Eric m'a fait le coup des "Gorgeous Gorges" (je précise que je l'avais déjà trouvé tout seul). Lui le gardait en réserve pour cette occasion. J'aurais dû le lâcher une troisième fois rien que pour ça.
HalfWayHalf Yeah ! Ce village, comme son nom l'indique, est à mi-chemin du parcours. C'est ici que la plupart des villégiateurs s'arrêtent pour la nuit. Les randonneurs, en revanche, continuent au moins jusqu'à Tina's. Je comprend pourquoi, le style et ses paysages sont magnifiques.
Chèvre, Gorge, NaxiLe chemin devient plus rocailleux, longe parfois la falaise ou passe entre d'immenses rochers. Des troupeaux de chèvre jouaient aux alpinistes. Certaines se nichaient dans de minuscules marches sur des pentes presque verticales. On pouvait profiter d'une brise agréable. Le soleil descendait de plus en plus, jusqu'à passer derrière les montagnes. Il se couche vers 20h à cette période de l'année. On ne cesse de descendre jusqu'à enfin arriver à Tina's.
Recoucou
Tina's GuesthouseJ'en ai profité pour réserver le bus du lendemain. Un petit Yunnan Coffee pour se motiver, et c'est reparti. Plus qu'une heure de marche. On s'était mit d'accord pour prendre la route, plus directe que le chemin. Ce n'était pas un mauvais choix, car elle nous rapprochait du fleuve, offrant une perspective différente des gorges. Tranquillement, on arrive vers 19h00 à la Sean Guesthouse, à 2300m. Au total : environ 8h sans compter les pauses. Not bad.
Sean Guesthouse, notre refuge pour la nuitRencontre de Sean, l'un des pionniers des Gorges. Activiste environnemental, c'est l'homme à l'origine d'un chemin jusqu'à un pic que je ferais le lendemain. Il m'a donné une carte, qui, à ma grande surprise, m'a fait découvrir ce chemin d'une durée de trois heures montant à 3000m. Plus loin, un camp de base, celui de la montagne Haba, atteignable en un jour supplémentaire. D'autres chemins passant à travers forêts et villages, et plus encore descendant au fleuve. Je voulais tout faire, mais ayant déjà réservé mon bus, le choix s'imposait de lui-même. Leurs nems étaient scandaleusement bons. J'ai pioncé comme un marmot, dans une petite chambre qui nous a coûté 3€ chacun.
Départ du "Sean trek" (sans Sean)Départ tout seul à 8h après un bol de muesli au yaourth et aux fruits. Le départ est un large espace d'herbe sèche et de rochers où il faut choisir son chemin. J'ai vu des cochons sauvages et des chèvres. Le chemin était éprouvant dans tous les sens du terme.
Il est physique :
On prend 500m de hauteur sur six kilomètres. Le chemin, qui alterne sentiers de forêt, forêts de rochers, déserts de cailloux et montées de sable, est souvent très étroit et passe entre les arbres et à travers des branches.
Il est psychologique :
La plupart du temps, on est pas sûr d'être sur la bonne voie. Les marquages sont très rares et les déviations pas du tout évidentes.
Il est dangereux :
On est constamment à flanc de montagne. La plus grosse partie est en forêt, mais les sentiers sont vraiment minuscules, et même entre les arbres, le dénivelé de la montagne est effrayant.
Ce qui en fait un trek totalement WORTH IT !La difficulté est à la hauteur de la vue. Dès que l'on contourne la montagne du Walnut Garden, on dépasse les gorges. Un tout autre panorama s'offre alors sur un barrage et le village de Daju, dans un immense espace entouré de montagnes.
Troisième point de vue (selon Maps.Me)Je m'étais fixé 11 heures comme limite pour avoir le temps de redescendre, prendre un déjeuner et aller jusqu'au fleuve derrière Tina's. A l'image de Rob Hall en 1996, je n'ai pas eu le temps de tout faire (mais ça ne m'a pas coûté la vie), même si j'ignore réellement jusqu'où j'ai été.
Time to redescendreJ'ai atteint cette aire dans un rythme objectivement rapide, à 11h précises, mais je ne pense pas avoir atteint le pic. J'avais refusé les services d'un guide local, car 200 yuans (25€) pour seulement trois heures, c'était un peu exorbitant. Le chemin était, comme ils le disaient, "poorly marked". Donc gros big-up à la technologie par satellite, surtout avec mon don pour prendre les chemins les moins évidents.
Le retour était super satisfaisantJe courrais à moitié en écoutant du Red Hot. Les étendues de sable qui m'avaient tant frustré à l'aller, je pouvais maintenant les skier. Si je n'ai croisé personne pendant tout l'aller, j'ai trouvé un autre américain sur le retour un peu avant le Walnut Garden. Celui là travaille à Shanghai et parle encore mieux chinois. Le déjeuner s'est éternisé, car la serveuse n'avait pas compris que j'avais commandé mon plat.
Route entre Tina's et DajuJe suis juste un peu déçu de ne pas avoir eu le temps de descendre jusqu'au fleuve pour admirer de plus près son incroyable débit. Mais comme l'a dit un homme sage un jour : "Jamais deux périples dans la même journée".
Retour à Lijiang pour une dernière nuit dans mon auberge préférée. Demain, direction Dali, à une centaine de kilomètres à l'est. Les deux jours de train depuis Chongqing étaient normalement prévus pour Shangri-La, cette petite ville à la frontière du Tibet. Etant au nord, dans la direction opposée à celle de Kunming, j'envisageais mal de perdre deux autres jours rien que pour retourner sur Lijiang. Deux ou trois jours passent si vite en Chine...
A demain !