06/01 - Le Festival d'Anandu
- Par cpt-tibo
- Le 13/01/2018
- Dans Inde du sud
- 6 commentaires
En plus des paysages magnifiques, le train des montagnes m'a permit de vivre une, si ce n'est la, meilleure expérience culturelle de ma vie.
Sur le chemin du retour à Ooty, je demande à un flic qui faisait la circulation où se trouve le bus. Il me dit d'attendre, suite à quoi je le vois arrêter la première voiture qui passe et demander à son chauffeur s'il va à Ooty. Surpris et pas forcément rassuré, je me retrouve dans la voiture d'Anandu, tamoul de 28 ans, parti chercher sa fiancée à Coonor pour l'emmener à Chinacoonoor, son petit village où se déroule un festival hindou. "Tu veux venir ?" il me demande - "Ouais pourquoi pas, j'ai rien de prévu".Il est environ 13h, le village est à une heure de route mais il peut me raccompagner vers 18h. Ok, faisons comme ça.
Le temple vu du haut du village
C'est ainsi que je me suis retrouvé dans ce petit village traditionnel de moins de 200 habitants. La majeure partie de ses habitants vivent de la culture du thé, des oignons, tomates, ail... Les autres ont étudié à Coimbatore et sont dans l'informatique. A notre arrivée, ils étaient tous rassemblés à l'intérieur et autour du temple, dans leur tenue traditionnelle hindoue. Le point sur le front et un foulard.
La "cuisine" et la "salle à manger" en face du temple
Vous pouvez imaginer leur surprise lorsque je suis arrivé dans la voiture du neveu du "maire". Anandu ne me quittait pas d'un poil. "T'inquiètes je vais m'occuper de toi" m'avait-il prévenu sur le chemin. Sa manière de s'adresser à moi en finissant chacune de ses phrases par "sir" était, au départ, un peu gênante. En fait, il ne s'agit pas d'un respect poussé à l'outrance digne de l'époque coloniale (j'exagère, loin de moi cette idée), ce que j'ai réalisé plus tard. Jusqu'alors, j'ai rencontré deux types d'indiens: les indifférents et les "respecurieux". Ceux-là me posent pleins de questions sur mon origine et mon séjour. "What pourrpoz u come in India ?" (C'est quoi les bails?) est la plus récurrente. Ils sont très humbles, surtout quand je dois leur demander de répéter chaque question en moyenne 4,8 fois. Parfois, au bout d'un moment, je souris ou je répond à côté. Et ça passe en général. Mon hôte et guide était tellement gentil qu'il arrêtait la voiture à chaque fois que je sortais l'appareil pour tenter capturer les incroyables paysages de la vallée. Ca n'a quand même pas donné grand chose.
Anandu's milf
Dans une large rue au style grec sur les toits du village, il m'a d'abord invité à prendre le thé dans sa petite maison rose. La famille proche était assise autour de la salle à manger. Lors du festival, la plus âgée de la famille donne sa bénédiction à chaque membre de celle-ci. En l'occurence l'arrière grand-mère de 97 ans (probablement la doyenne du village). Encore quelques dents, et le visage si marqué qu'on aurait pu faire du bobsleigh entre ses rides. Elle n'arrêtait pas de me gaver de bananes. Pas grave, elles sont pas si mauvaises ici.
Anandu l'hindou en face de chez lui
Pendant que l'on faisait le tour du village, j'ai eu le droit à un briefing. Le festival dure une semaine et célèbre leurs ancêtres. Samedi était l'avant dernier jour de fête. Il y a plusieurs rituels assez formels, comme le pélerinage jusqu'à la montagne ou le passage au temple pour la prière. Mais rien de très exigent. Voir un étranger débouler un appareil photo autour du cou, en plein milieu d'une cérémonie sacrée n'a eu comme conséquence que de la curiosité. Il fallait qu'il sachent ce que je foutais là, tout seul, et surtout comment j'étais arrivé là. Pieds nus, j'étais libre d'aller où je voulais. Mais comme je suis resté la plupart du temps avec mon cher guide, il pouvait d'abord m'introduire en Indi avant la classique présentation en face à face.
La cour du temple Hetai Amman pendant le passage du cortège
Il s'agit avant tout de manger et danser dans la joie et la bonne humeur. Avant cela, j'ai suivi Aandu jusqu'au temple où le prêtre lui administrait un sacrement. Il voulait que je m'agenouille et que je prie avec lui, mais son pote m'a retenu. Bien vu, je ne sais pas si ça aurait plu au prêtre. Même pour moi, il y a des limites à l'intégration culturelle. Pour me fondre dans la masse, il m'a demandé si je voulais m'habiller des vêtements traditionnels, à savoir le dhoti, un tissu blanc noué autour de la taille et une longue chemise avec des motifs dorés. Finalement, je me suis ponctué le front à la craie.
Les six cuistots du peuple
Une semaine pendant laquelle les cuisiniers se relaient 24h/24, en dormant devant des chaudrons dignes de Taram. La fumée, l'odeur et le paysage dégageaient une atmosphère particulière, hors du temps.
Préparation du thé
Pendant que les femmes préparent le thé... dans un sauna. Je pouvais lire des sourires qui me semblaient sincères. Respect dans tous les cas.
A table !
Tout le monde est libre, tout est gratuit. En ligne le long d'un tapis rouge, les habitants mangent quand ils veulent sur une feuille de bananier. C'est un peu le Thanksgiving hindou. Juste, pourquoi il fallait que ces haricots soient si épicés ?! Surement le chili local. En plus du coulage de nez et de mon absence de souplesse (de fait l'impossibilité pour moi de me tenir en tailleur plus de quelques minutes sans souffir), j'ai encore eu le droits à ces sourires, plus bienveillants que moqueurs, de la part des filles qui mangeaient en face de moi. J'admire la dextérité avec laquelle ils parvenaient à s'en mettre, aussi proprement, plein la bouche.
Chinacoonoor boyz
Avant l'arrivée du cortège religieux au retour de la montagne, j'étais assaili par une horde d'enfants. Ils étaient intéreressés par mon appareil. Je n'ai pas hésité à leur prêter. Le petit chef de la bande m'a bien amusé en demandant ma religion. Je lui ai répondu "atheist" puis "no religion". Il ne comprenait pas et continuait de me citer des religions. "No christian, no muslim, no boudhist, no hindou..." ai-je finit par répondre. "Aaaah, all religion !". Ou bien mon anglais est définitivement incompréhensible, ou bien son regard illuminé ne pouvait pas concevoir que quelqu'un ne croit pas en l'existence d'un dieu. Très, trop curieux, ils étaient ravis d'avoir une source de distraction innatendu dans ce festival qui semblait les ennuyer.
Anandu, des gosses et moi
Jusqu'à ce que mon bon Anandu ne les chasse et me présente à ses potos (pas les gosses sur cette photo). Pendant le passage du cortège, je les voyais se moquer en douce de leurs amis "enrôlés" dans ce rite à priori obligatoire pour "l'accomplissement religieux". On l'a tous déjà vécu, moi avec mes frères et ma soeur : ces regards et sourires impossibles à retenir lorsque l'on se trouve une situation formelle où la bienscéance est de rigueur.
Chinacoonoor girlz (et moi)
Les filles, normal à cet âge, font bande à part des mecs. La "chef du groupe" était la seule entreprenante. Un pot de colle. Des étoiles sont apparues dans ses yeux yeux quand je lui ai dit venir de Paris.
Les femmes dansent dans la cour du temple
La danse, entre le cortège, est continue. J'ai habilement réussi à y échapper pendant une bonne partie de la journée. Puis j'ai cédé pour deux minutes, je ne vais pas vous mentir, pas faciles faciles. Aandu m'avait dit qu'il allait me montrer. Le traître, je ne l'ai pas vu danser du tout. A moi de vous apprendre. Tout est dans les poignets et les genoux. En gros, il faut faire de moulinets avec ses mains tout en tournant recourbé sur soi-même. Je vous l'assure, effectuer une danse inconnue et "ininstinctive", sobre, sous le regard de presque tout un village, fait parti des expériences que l'on oublie pas. Des preuves :
Rien à ajouter
J'ai dû serrer une bonne vingtaine de mains des frères, soeurs, oncles, tantes et parents. Certains me demandaient d'eux même une photo. Le leader (spirituel) du village était plutôt cool. Il était ravi de me serrer la main très longtemps, se délectant des compliments que je lui versais, sans modération, en réponse à ce que je pensais de la fête. Vous pouvez le voir à ma gauche.
Trois frères (j'adore le côté rétro de cette photo)
Vers 17h, Anandu m'a emmené chez son oncle. Avec un accent et des manières impeccables, il est le maire spontané du village. Il prend soin des villageois, notamment en gérant internet et les circuits électriques. C'est le meneur de sa lignée de développeurs et d'informaticiens. Une grande maison soignée et bien équipée. C'était le premier à plus me parler de lui qu'à me poser des questions. Il a beaucoup voyagé en Europe dans les années 90. Lorsque je lui ai parlé du volontariat, il était très intéressé par le concept. Apparement il avait accueilli une américaine il n'y a pas si longtemps pour un stage. Je devrais être sponsorisé par Workaway.
La petite famille
Un athé, après trois thés et trois albums de voyage, est retourné au temple magnifiquement éclairé. Finalement, mon bus est arrivé vers 20h. La faute à une grève générale qui a fait remplacer les chauffeurs Fury Road des montagnes par ceux qui "conduisent lentement et se trompent de chemin"... Plus ou moins rassurant. Je commence à m'habituer aux conduites de l'extrême, mais il faut fixer des bases solides. Ma journée dans "l'endroit le plus sûr d'Inde" (0% de crimes) comme aime bien le rappeler monsieur le maire, touche à sa fin. Une expérience inattendu et pleine de surprises, dans ce village où tout le monde semble heureux. Cohabitation de fermiers et d'informaticiens, pas la même valeur ajoutée mais des valeurs et une culture commune.
Le temple la nuit
Apparté : pendant le trajet Bangalore - Ooty, j'étais passé devant un "cashless village", qui sont sensés être des endroits démonétisées. Selon Indian Express, les quelques villes de ce genre en Inde ne fonctionnent ont maintenant carrément des distributeurs d'argent en leur sein... Le secret pour être heureux , c'est peut-être l'isolement.
Bref, j'en ai pris plein les yeux. Je suis juste un peu déçu d'avoir oublié le nom de la cérémonie. Pour moi ça restera le "festival d'Aandu".
Commentaires
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- 1. Heddizer Le 28/01/2018
Au top cette petite rencontre fortuite !
Continues de casser les barrières de l'inconnue pour rencontrer les nouvelles populations et de te laisser guider par ce que le voyage met sur ton chemin comme ça c'est parfait.
Hâte de lire tes prochaines aventures Capitaine. -
- 2. Pap Le 14/01/2018
C est extra et ca ne fait que commencer !
J ai hâte de recevoir le prochain chapitre de tes épopées.
Merci pour ce partage. -
- 3. Manou Le 14/01/2018
Tu es très bien en danseur. -
- 4. Celiane Le 14/01/2018
Jpeux venir avec toi stoplait -
- 5. Quentin Le 13/01/2018
Rencontres inoubliables et paysages magnifiques, tu déconstruis tout les préjugés que j'ai pu avoir sur ce pays.
Merci de nous faire voyager par procuration et continue à nous régaler avec tes récits & photos ! -
- 6. Mom Le 13/01/2018
Oh la la Thibaut, qu'elle superbe aventure!
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