07/01 - 12/01 - Gaia Grid [1] : Harsh, ses volontaires et sa "ferme vegan" - Kadampara, Kerala

Kerala, sud ouest de l'Inde. Le "pays de Dieu", comme aiment l'appeler ses habitants. Un Etat très dense, le plus alphabétisé d'Inde, communiste, d'abord Hindou et de très forte confession chrétienne, héritage des anglais et des hollandais. Personnellement, je n'y suis pas resté assez longtemps pour constater des différences significatives. Les gens ont l'air plus gentils et c'est plus vert... Sauf dans les grandes villes. Une première journée, périple oblige, perdue dans les transports. Quatre étapes cette fois pas franchement intéressantes... Ne vous inquiétez pas, je vous raconte quand même tout.

Intro trajet

1) Bus de Ooty à Coimbatore ==> Un peu plus de 5h pour parcourir 85km. En Inde, il faut s'armer de patience et toujours prévoir (BEAUCOUScreenshot 2018 01 15 20 18 24P) plus de temps que prévu dans les transports en commun. Comment ? Quelle grève ? Quoi ? C'est le jour du seigneur en plus ? Que voulez-vous dire par "La seule et unique route de montagne, étroite et sinueuse, pour redescendre dans la vallée" ? Bon ok, il est clair que je suis de mauvaise foi. Et c'est pas fini (comme les transports indiens, il y en a toujours plus). Coimbatore, de ce que j'ai vu, c'est l'Inde surpeuplée et sale. L'Inde des trains archi pleins avec des gens accrochés aux barres, à moitié dans le vide. L'Inde où les gens pissent dans les rues. L'Inde où les gens se lavent dans les rivières, à deux pas de leur slum le long de la voie de chemin de fer. L'Inde des clichés en somme. Ce qui est paraît-il assez fréquent en périphérie des grandes villes. La nature m'appelle. Mais les villes me font fuir d'abord. Je ne m'attarde pas et cherche mon bus.

2) Sans succès, car pas la bonne station ==> Tuk-tuk jusqu'à Gandhipuram, étape toujours la plus simple et pourtant celle que j'aime le moins.

3) Bus de Coimbatore à Anaikatti. Un bus local, beaucoup plus vétuste que les bus gouvernementaux, qui crache du gros son. Ambiance locale assez sympa, mais impossibe pour moi de m'asseoir. J'aime autant car je peux rester dans les escaliers, près de mon sac au fond de ce bus rempli. C'est toujours mieux que de me cogner a tête au plafond à chaque ralentisseur.

4) Jeep de Anaikatti à Gaia Grid, pas loin du petit village de Kadampara. A la station d'Anaikatti, je tombe directement sur des chauffeurs de jeep qui connaissaient Venkat, le chauffeur que je devais appeler. Bonne chose, car je n'ai toujours pas de carte SIM. Coincidence intéressante : un autre volontaire est arrivé à Anaikatti cinq minutes après moi, au moment précis où Venkat arrivait. Andrea, italien de 35 ans, a cru que le chauffeur de jeep était dans le turfu.

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Le chemin devant la ferme

Mon hôte, Harsh, avait raison de préciser que l'endroit était vraiment isolé. Le trajet a duré une vigntaine de minutes sur des chemins en terre caillouteux, entre fermes, cultures et forêts. A première vue, les fameuses collines "sèches" n'ont pas l'air si sèches que ça. Seulement son exploitation.


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En plus de moi, il y avait déjà quatre volontaires : De gauche à droite : Clément, 24 ans, Harsh, un couple d'anglais d'environ 25 ans, Nama, israëlienne d'environ 40 ans, et Andrea.

Les anglais partaient le lendemain (d'où l'oubli de leurs prénoms). L'importance que les gens accordent aux titres a animé le débat de cette première nuit, qui était la plus captivante. On est bien placés pour en parler, ai-je conclu, car tout le monde autour de la table a plus ou moins quitté son job pour voyager. "Quand tu as compris que tu n'es rien, tu peux être qui tu veux". Cette citation d'Harsh (entre autres), le définit bien.

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Ce légume, mais aussi l'homme, sont impressionnants.
C'est un grand sage des collines. Cheveux longs, la trentaine, il vient de Calcutta où il faisait un peu de tout. Maintenant, il mène une vie simple, presque austère, seul dans son verger sur la colline. Il essaye de vivre au plus proche de la nature en se contentant de ce qu'elle peut lui offrir. Pour l'instant, pas grand chose. Le projet est encore jeune. A terme, objectif autosuffisance. Pour son hectare de terre dont l'amménagement en forêt d'arbres fruitier suit tranquillement son cours, à quelques kilomètres de la frontière du Tamil Nadu. Il vit grâce à des dons, l'aide des volontaires et des aides prévues pour ce type de projet. En gros, chaque mois, il doit compléter une feuille de route et échanger des conversations vidéo. Cela lui permet d'acheter à manger, de payer sa facture téléphonique, et de réinvestir dans la terre.

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Arrosage des plantes avec la fin du tank avant le remplissage
Il reste cependant "connecté". Pour vous dire, Gaia Grid, sa ferme vegan, est trouvable sur Google Map. La 4G, bien que très faible, passe. Anecdocte marrante, son nom est inscrit au panthéon des "même" sur internet (il faut absolument que je le retrouve). Philosophe dans l'âme, il est très ouvert d'esprit et arrive toujours à intéresser son interlocuteur. Il n'est pas donneur de leçons pour autant, bien au contraire. J'admire sincèrement son éloquence et sa générosité. Le dernier jour, des nouveaux flics sont venus à l'improviste pour une visite de contrôle. Ils étaient venus voir ce qu'il trafiquait et vérifier si les formulaires en ligne qu'il nous a fait remplir (il se fait passer pour une chambre d'hôtes) correspondaient bien aux personnes présentes. Harsh leur a offert à manger et les a fait visiter son domaine en leur expliquant son projet et ses convictions. Il s'est même permit de dire "Si vous voulez fumer, c'est dehors", à celui qui avait sortir sa clope. En moins de deux, il a mit la police locale dans sa poche, sans oublier de mentionner subtilement qu'il a des bons amis qui travaillent au bureau du premier ministre. Ils sont repartis, après un selfie de l'équipe et un échange de WhatsApp. Je dirais qu'à l'exception d'un léger anti-américanisme (assez classique en vrai), il ne rejète rien ou presque.

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L'entrée de Gaia Grid.
La seule chose qu'il ne tolère pas, c'est l'intrusion de matière non vegan au sein de sa propriété. Ainsi, un couple de français qui n'est resté qu'une nuit avait ammené une barre de chocolat... au lait ! Malheur ! Le lendemain matin, ils sont repartis sans. La fille avait choppé une tourista à Coimbatore, "raison" principale de leur départ. On se disait que c'était pour le mieux. D'abord pour la place disponible, et puis parce qu'on avait tous le sentiment que, malade ou pas, ce n'était pas un endroit fait pour elle. (Et puis ça faisait trop de français).

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Vue d'intérieur au coucher du soleil.
On pourrait en dire autant pour moi, mais je m'adapte. J'étais conscient de (presque) tout les aspects du projet. Ce n'est pas parce que le premier repas que j'ai fait en quittant Gaia Grid était du poulet frit que je n'ai rien retenu du tout, ou pas apprécié mon court séjour passé ici. J'ai juste des besoins vitaux. D'autres comme Andrea, parfait hippie des bois et Clément, pur hippie des marais, ont trouvé leur paradis. Le premier, vêtements larges tout terrain, est un ancien restaurateur qui veut créer une communauté durable semblable à celle-ci. Le second, dread lock et grosses lunettes, est taciturne et toujours souriant. Il fait science po et intérim, comme moi l'année dernière.  Au sujet du végétalisme, ils me diraient que ce n'est pas vital. Qu'il s'agit juste d'un travail sur soi, passant entre autres par la méditation ou le yoga, pour laquelle ils sont impressionants soi dit en passant. Harsh préfère dire que la conviction passe d'abord par soi-même. Cherchez pas les gars, c'est peine perdue de toute façon.

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Lever du soleil, admirez moi sa courbe parfaite

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Coucher du soleil, la sphère indienne.
Je suis arrivé dans cette "ferme vegan" vers 17h. L'idéal pour assister au coucher du soleil après un rapide tour de propriété. Surprise et légère déception, il demande une participation financière pour la nourriture. Tout en digérant (Ce n'est pas un problème ici), je réalise la beauté de cet endroit reclus. Il n'y a pas grand chose, excepté la splendeur et la serenité des collines kéralaises. Au réveil, une vue spectaculaire quasi panoramique sur les plantations en terrasse des villages avoisinants. Cela vaut largement le fait de dormir dans une tente à même le sol, sans rien pour le dos. En fait si, ma parka... que je n'avais pas prévu d'utiliser aussi vite. J'ai beau me réveiller plusieurs fois par nuit, je dors d'un sommeil de plomb. Il y a longtemps que je n'avais pas fait de rêves aussi profonds. Avant l'arrivée (D'ENCORE) deux autres français, Matthew et Alban, j'occupais ma tente perso les trois premiers jours. Je ne peux pas étendre mes pieds sans étirer la tente. D'ailleurs j'ai remarqué un trou dedans le premier matin, mais je ne sais pas s'il était là avant. C'est con, parce qu'il fait vraiment froid la nuit. La température peut descendre jusqu'à 5 degrés. Sans sac de couchage, je suis ridicule avec mon sac à viande et toutes mes vestes. C'était la tente ou un hamac deux fois trop petit pour moi. Dommage, car la nuit le ciel étoilé est juste incroyable.
 
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Kadampara
Décidément l'Inde n'est pas un pays adapté pour les personnes de grande taille. Je m'habitue petit à petit, mais il y a des limites à ce que l'adaptation peut faire. Comprenez-moi, le toit arrive à mes yeux. Heureusement il est assez grand une fois en dessous. En l'abscence de chaises, je commence à tenir plus longtemps en tailleur. Le "banc de cuisine" m'oblige à me plier en deux pour préparer à manger. Ce qui m'ennuie le plus : sûrement me cogner sans arrêt la tête sur les ustensiles accrochés au dessous du toit. Deux fois, j'ai rattrapé des casseroles au vol dans un splendide retournement d'attrapeur. La troisième fois, je me suis pris le coin d'une poutre transversale, et ai été gratifié d'une belle cicatrice frontale. Appelez moi Harry Potter !

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Le "centre des opérations"
Au milieu de nulle part, Harsh a crée Gaia Grid, cette forêt en developpement. Une véritable épopée biblique. Sa génèse à lui.
Au commencement, il y a un an et demi, n'y avait rien d'autre qu'un hectare de terre au sommet d'une colline. Harsh investit toute sa fortune dans ce lot de terre informe et vide. Séduit par la beauté et la quiétude des collines, Harsh vit que cela était bon. Au premier jour, Harsh creusa et sema des graines. (Ou peut-être installa-il d'abord sa cloture electrique autour de la propriété). Les villageois venaient le voir pour lui dire de renoncer. Rien ne prendra, disaient-il, c'est beaucoup trop aride ici. L'un d'entre eux, voulant bien faire, lui avait même apporté un grand sac d'herbicides : "il n'y a que ça qui marche.". Harsh garda espoir, continuant à donner à la terre et à croire en elle. Quelques semaines plus tard, il y eu les premières plantes. Les arbres poussaient. Il suffisait d'un peu de bonne volonté. (croyez moi, il n'est pas du genre à se fouler, c'est d'ailleurs en partie pur ça qu'il avait quitté son job : pouvoir travailler quand il voulait). Pas aussi simple que le boulot de Dieu, certes. Sinon il avait juste à dire dit : "Que la terre produise de la verdure" et blablablasphème...

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Vue d'un drone de la propriété : https://www.facebook.com/thegaiagrid/

La petite maison d'une pièce, (plus un garage à outils qu'une maison) et son grand toit arrivèrent quelques mois plus tard. Puis des volontaires des quatre coins du monde ont répondu présent à l'appel de Gaia Grid, la déesse mère. Et cela fut ainsi. Maintenant, il reste plus qu'à savoir qui mangera la première pomme, quand, et quelle forme elle prendra...

Commentaires

  • Pap
    • 1. Pap Le 18/01/2018
    Impressionnantes différences entre la ferme 2016 et la ferme 2017
  • Mom
    • 2. Mom Le 17/01/2018
    Encore bravo pour cette genèse. .. intéressant et en plus j'ai bien ri! Ça va le front?

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