07/01 - 12/01 - Gaia Grid [2] : Permaculture quotidienne, simple mais rudimentaire

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Troupeau de chèvres sur les routes de Kadampara
La vie est rudimentaire
C'est le principe de la permaculture, ici appliqué dans sa globalité. Elle ne s'applique pas seulemet à l'agriculture, mais désigne plutôt un système durable, économe et autonome. Rien ne se perd, tout se récupère, tout se profite... J'étais surpris de constater qu'il la vit au quotidien, à tous les niveaux de vie.
D'abord l'eau, ressource particulièrement précieuse et essentielle dans ces collines. Il faut savoir qu'à notre arrivée il n'avait pas plu depuis deux mois. A ce moment, Harsh estimait trois mois secs de plus. C'était sans compter la malé(béné)diction franc(angl)aise. Au troisième jour, il a plu. Evidemment, on a mit du temps à le réaliser. C'était la nuit et presque toutes mes affaires étaient restées dehors. Bonne nouvelle tout de même.
L'eau donc. Après arrosage des plantes, elle va d'une terrasse à l'autre en ruisselant, et en empruntant les tranchées creusées à cet effet. Pour se laver les mains, on en verse une certaine quantité dans un récipient transformé en arrosoir. Ce qui tombe va directement dans le potager derrière la maison, car le savon est organique. Même principe pour la douche : un arrosoir suspendu à une branche. On peut garder l'eau des seaux à vaisselle au moins trois jours, avant d'en faire profiter les plantes. Le réapprovisionnement des tanks de presque une tonne est un spectacle. Même avec un tout terrain pareil, il faut le faire pour tout transporter sur un terrain pareil.

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Camion transportant le tank d'eau
Les déchets organiques vont au compost. Ils sont utlisés comme fertilisants. Le plastique quand à lui sera broyé avec une telle force qu'on pourra l'utiliser pour construire des maisons. Les matières fécales - autant vous prévenir, il a toujours un instant crade dans mes volontariats - sont bien évidemment récupérées. La bouse de vache et d'éléphant, en particulier, a de multiples utilisation : antisceptique pour le sol de la "maison" et engrais. Une fois, Harsh nous a demandé d'arpenter les routes du village pour trouver des bouses fraîches (j'étais de tâche coupage des mauvais à ce moment). A cause de notre alimentation, la notre est tout à fait inutile. Pire, elle véhicule tout un tas de maladies. Du coup, on chie dans un seau, qu'on recouvre avec du sable. Quand il faut vider le seau, ça se gâte... La merde humaine est décidément la plus infecte. Là ou il pêche (pas volontaire, je m'en suis rendu compte en me relisant) niveau récupération, c'est pour le PQ... heureusement pour nous !

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La fabrication de cet "antisceptique" est simple et permet de repousser les insectes et la poussière.

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Il faut répandre la mixture et attendre quelques heures. Les villageois font ça une fois par semaine.
Des panneaux solaires sont installées le long de la propriété. Ils alimentent surtout la clôture electrique, dont le rôle est de repousser les éléphants. 
Si l'on en croit Harsh, ce n'est vraiment pas quelque chose à prendre à la légère. Chaque mois, on compte plusieurs morts d'attaques d'éléphants dans le coin. Il nous a montré une partie de l'ancienne clôture en fer, complètement pliée par un d'entre eux. La nuit tombée, les flics à Anaikatti interdisent de prendre le chemin de Kadampara. Peu après le nouvel an, les british étaient qui étaient arrivés à Anaikatti très tard ont été retenus au poste de police. Harsh a dû faire jouer ses relations du bureau du premier ministre pour les convaincre de laisser Venkat les emmener à la ferme. Les villageois disent aussi qu'un tigre rôde dans la forêt de la vallée. Des cadavres de chèvres seraient là pour en témoigner. Du coup, j'aime autant autant faire le contorsionniste pour entrer dans le domaine, et dormir tranquillou.

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Le coin propre. Ne vous inquiétez pas, il y a une trappe pour les toilettes.
Je vous l'accorde, il y a encore du chemin vers l'autosuffisance. L'eau et la nourriture ne s'improvisent pas. Excepté pour les bananes, les villageois de Kadampara produisent d'abord pour eux-même. Les ananas, grenades, pastèques, fruits de la passion, noix de coco, aubergines, courgettes, cacahuètes, noix et autres féculents viennent d'Anaikatti. J'avais déjà expérimenté le "régime" vegan en Thaïlande. On arrive en pensant à "quinoa", "muesli" ou encore "jeun", et on repart avec cinq kilos en plus Cette fois-ci je n'ai pas non plus été déçu. Aussi bien en quantité qu'en qualité. La médaille d'or revient au porridge du petit-déjeuner, avec ses morceaux de dattes, de noix de coco et sa touche de cannelle.
Tout le monde prépare à manger, mais c'est Harsh qui fait les mixtures. Il a le don, on lui en était tous reconnaissants, de priviligier le goût à l'épice. Chaque plat principal s'accompagne d'une salade de fruits et de légumes.

Les journées sont si paisibles.
Entre 9h et 16h, liberté. C'est-à-dire pas grand chose. Lorsqu'un sujet intéressant pour Harsh (philosophie, histoire, politique, documentaire) est mit sur la table, il peut en parler pendant des heures sans s'épuiser. Il est capable de convaincre une israëlienne que les attentats du 11 septembre sont un complot du Mossad...
Il est à la pointe de l'information. Je me demande comment il fait, car je ne le vois presque jamais sur son téléphone ou son macbook. Sans volontaires, je pense réellement qu'il s'ennuierait. Le seul villageois qui passe régulièrement dire bonjour, c'est "Mr Bobby", toujours là pour divulguer ses bons conseils ou donner un coup de main. Pour Harsh, la communication avec les locaux n'est pas évidente. Il comprend la langue mais répond en anglais (teinté d'hindi). D'un kilomètre à l'autre de la ferme, les gens parlent une langue différente. Anaikatti est dans le Tamil Nadu alors que Kadampara est dans le Kerala.

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A un kilomètre il y a une rivière pour se rafraîchir et faire sa lessive.

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Le temple en face de la rivière
Le dernier jour, j'ai tenté mon expédition jusqu'à la colline en face de la ferme à environ 7 kilomètres, mais on a dû faire demi-tour avant car il était trop tard. J'étais avec Clément et Matthew, qui ont respectivement la même âge que mes deux frères. Comme à la maison.

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A travers les forêts du Kerala
Après le temple et la rivière, on arrive sur l'école de Kadampara, une quasi ruine. Les petites maisons sont en briques, bois et tôles. Les villageois à la peau noire et marquée par le dur labeur des champs, nous fixaient une faux à la main. Certains avec le sourire. La faux, on la retrouve avec le marteau sur les nombreux drapeaux rouges qui décorent les chemins. On croise régulièrement des fermiers menant leurs troupeaux de vaches et de chèvres. L'odeur nous rappelle notre bon fromage. Harsh nous avait aussi prévenu que le village concentre pas mal de plantations de cannabis. Apparement, les villageois sont constamment défoncés.

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Chèvres et fermiers kéralais
Le travail est très light. Pas plus de 3-4 heures par jour. Et encore, souvent c'est encore moins. Harsh nous pousse à nous dépasser dans le réfonfort. La permaculture va même jusque dans l'économie de ses forces. C'est assez basique : creuser des trous, déraciner, mettre de l'engrais, planter, arroser, creuser des tranchées et couper les mauvaises herbes autour de la clôture. C'est aussi assez physique, car le sol est dur. Il faut creuser à la pioche ou avec une lance pointue en métal d'une quinzaine de kilos. Quand je vois la vitesse à laquelle les mauvaises herbes reprennent le dessus, sur les trous et la clôture, j'admire sa patience.

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Creuser des tranchées dès 6h30 du matin
En fait, Harsh attend davantage de créativité que d'effort physique. J'avais eu l'idée d'aménager un endroit vide en face des tentes, pour en faire un coin fauteuil et nature entre des escaliers... Il était emballé par l'idée, jusqu'à ce qu'il se souvienne qu'un volontaire avait déjà planté à cet endroit. Ca n'empêchait pas... Mais il faut dire que je n'ai pas insisté.
Je me suis vite rendu compte que la procrastination régit véritablement la vie quotidienne. Je ne compte pas le nombre de tâches évoquées tous les jour : boucher le trou de la tente, ceuillir les haricots, semer des légumineuses, même vider le seau de merde... Mais aussi des activités, comme regarder ce "documentaire qui nous fera prendre conscience" de telle ou telle chose ou aller à la rivière, qui a dû être mis sur le tapis au moins trois fois avant qu'il ne se décide enfin. A ce moment, il ne s'était pas lavé depuis une semaine. En même temps, où est l'intérêt quand tout le monde sent mauvais ? Finalement, c'est plus un monastère qu'une ferme. Un monastère libre où les principaux passe temps sont la lecture et les cartes. Cependant une question me taraude. Comment, avec tout ses volontaires, est-il possible qu'il n'ait jamais joué aux cartes ? Le président, ou plutôt le "gandu", le mot indien pour trou du cul, s'imposait. Il apprend vite. Au début, il triait et tenait ses cartes comme un enfant qui apprend à manger.

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...
Je suis parti un jour plus tôt que prévu. Je pourrais finir sur une conclusion bateau, en disant que c'était une expérience fondamentale qui nous renvoie à qui nous sommes vraiment. C'est pas faux. Au delà de ça, c'était tout simplement agréable de vivre avec l'essentiel pendant ces cinq jours.
Prochaine destination : Munnar, à mi chemin entre Coimbatore et Cochin, dans laquelle où je prendrais mon vol pour le Rajasthan le 16.

 

Commentaires

  • gateauu annie
    • 1. gateauu annie Le 23/01/2018
    bravo thibaut, je suis pas a pas ton chemin,et suis ravie de te lire
  • Laurent Festin
    • 2. Laurent Festin Le 20/01/2018
    L appel de la méditation a l école de la patience. Ouf tes aventures passées sont tout bas je craignais qu' elles aient disparu !

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