23/01 - 24/01 - Road trip au Rajasthan [Jour 6-7] - BUNDI - Le plus dur reste à faire - "Tout donner"
Dernière étape. La plus longue. Sûrement la plus physique. Sûrement pas la plus compliquée. Près de 300km d'Udaipur à Bundi, en passant par Chittorgarh (autre forteresse classée à l'UNESCO). J'ai décidé de ne pas m'y arrêter, car il était vital que j'atteigne Bundi avant la nuit. Une semaine après le road trip, je me demande toujours si les feux fonctionnent.
Ce furent 250km sur une autoroute toute neuve. J'ai battu mon record qui était de cinquante kilomètres sans m'arrêter. Une enfield au rythme très soutenu m'ouvrait le passage, que je suivais assez loin derrière. J'ai également dû battre mes records de vitesse. Difficile à estimer, mais je dirais entre 90 et 200km/h, pour être précis. La vitesse maximale théorique de la pulsar est de 110km/h, et moi j'étais régulièrement "main au plafond" L'excellent état de la route, la visibilité à l'infini, l'absence de vaches, mon impatience et mon mal de dos grandissant me poussaient à tirer de plus en plus fort la poignée d'accélérateur.
Quelque chose à signaler ? Un mec qui débarque sur la route, pepère, du haut de son éléphant. C'est bouche bant.
Route très représentative de la journée
Après seulement trois heures, mon dos, mes fesses et mes yeux n'en pouvaient plus. A la fin de la journée, j'enlevais un amas de moucherons écrasés sur les coins de mes yeux, irrités par le vent et la poussière. Impossible de le faire sur la route. Faire entrer mes doigts tout sales en contact avec mes yeux n'auraient fait qu'empirer les choses. En plus, sous mes trois couches de t-shirt, j'étais gelé tout le long du trajet. Il faisait de plus en plus froid au fur et à mesure que j'approchais de Bundi, au climat plus doux et plus frais en hiver. Lancé sur la route, je pouvais toujours sentir le fauve qui émanait de mes vêtements. Trois caleçons, t-shirts et paires de chaussettes. Pas assez de temps pour des lessives. Une douche à l'occasion quand je trouvais de l'eau chaude. Tout ce qui touche à l'eau a beau être rudimentaire, je trouve les indiens écologiquement (uniquement sur ce terrain là) en avance sur nous. Il n'y a généralement pas de papier toilette, mais un jet d'eau manuel ou automatique, dans les toilettes les plus aisées. Quand il y a du PQ, on précise bien que ça va dans la poubelle. Les toilettes "locales" consistent en un trou dans une fosse. Penser à prévoir son PQ. On trouve alors (pas toujours) une poubelle, de la terre et une coupelle, pour "tirer la chasse". Je ne veux même pas savoir qui vide la fosse et où ça part.
Bundi, l'oasis du Rajasthan
Bundi depuis le Fort Taragarh
Malgré la taille assez imposante de la ville (tout est relatif en Inde), Bundi est un havre de paix. Son lac et son positionnement dans la vallée la font apparaître comme un mirage à son approche. Elle est un peu à l'image de Pushkar, en plus grande, plus verte et sans le côté sacré. La ville entière semble être le quartier ancien. Dans la rue, on dit que les gens vous reconnaissent au bout de deux jours. Je suis arrivé, glacé, avec les derniers rayons d'un soleil timide. Comme à mon habitude (je ne les choisis pas au hasard non plus), je tombe sur une guesthouse familiale au personnel et à l'ambiance chaleureuse. Les gérants, deux frères, parlent un peu français. Ils en sont fiers et en font même un peu trop. Un dernier dîner sur le toit de la barraque s'imposait.
Cour du Palais de Garh
Courbaturé, je m'oblige à me lever à 8h pour voir, une fois est très coutume, le fort et le palais surplombant la ville. Cette fois-ci, surprise, il n'y avait absolument personne. Quel régal ! Après m'être acquitté du droit d'entrée de 500 roupies (un des plus chers jusqu'ici), je commence par le palais, relativement petit et très sobre. La visite n'a pas duré plus d'un quart d'heure.
Bundi depuis le Palais
Rempart
Le fort, c'est autre chose. Tout aussi sobre, son calme et son authenticité sont à couper le souffle. La municipalité, c'est tout à son honneur, a fait le choix de laiser le site en l'état, si ce n'est à l'abandon.
Le chemin pour s'y rendre est un parcours du combattant, infesté de ronces, de ruines et de singes.
Ils se fondent si bien dans le décor
A l'entrée du fort, des indiens avec des gros bâtons se proposent de servir de guide et de repousser les singes soi-disant dangereux. Non merci. Si quelque chose m'a bien attaqué, ce sont les arbres. A l'entrée du fort, il faut se plier en quatre pour passer dans le trou de la porte, puis on accède à un domaine tout simplement magique.
Les arbres et arbustres ont repris le contrôle du fort
Des bouses de vaches et d'éléphants ouvrent un chemin plus ou moins bien praticable. Tout cela donne, je pense, un bon aperçu de la vie médiévale.
Pour aller d'une tour à l'autre, il faut parfois sauter, escalader ou ramper
Les arbres sont agressifs avec leurs grosses pointes. Le délabrement total des structures rendent le passage des ponts vraiment stressant. Un moment, je me suis retrouvé avec un singe en face de moi sur un de ces ponts très étroit. En voyant le macaque à l'allure imposante s'avancer vers moi, je me suis arrêté et j'ai serré les fesses. Comme je l'ai dit, seuls les arbres sont à craindre.
Pour ma défense, j'avais déjà mon appareil photo en joue
La récompene est à la hauteur de la difficulté de l'aventure : un panorama sur la ville (pour changer) et une sérenité sans pareille.
Chaque endroit du fort est unique et mystique
Entre les arbres, on n'entend que le résonement des oiseaux
Dans une tour
On trouve des fresques, des petits temples, des lieux de vie qu'on peut parfois identifier : toilette, salle d'arme, salle à manger...
Je m'apprêtais à rentrer, par manque d'eau, quand je suis tombé sur un guide. "Suis-moi, mon ami, je connais un endroit où tu peux boire". Du moins c'est ce que j'ai compris. Evidemment, au lieu de dire non merci, je m'étais justifié en disant que j'étais à sec. Quand il y a une vraie excuse, on ne se prive pas pour la donner. Sauf que c'est pas souvent la meilleure idée. Fin bon, je me disais "cool un endroit où je peux me poser, boire et repartir". Je ne me doutais pas qu'il se foutait carrément de ma gueule. Arrivé en haut d'une tour après quelques minutes de marche, il me montre un autre puit.
"C'est d'ici que vient l'eau qui alimente toute la ville" me répond-il...
Mais VTFF ! Je ne crois pas une seconde au malentendu. No way. Son anglais était décent. Le mien l'est aussi. C'est bien la première fois que je m'énervais contre un indien. J'ai fini par le payer (en roupies) quand il m'a trouvé une bouteille. Pas avant qu'il me montre d'autres parties du fort que je n'avais pas exploré. Je le quitte avec un peu de rancune mais sans regrets quant à ma visite.
En ville, je ne reste qu'une quinzaine de minutes le temps d'un mango shake. Il est déjà 10h30, il me reste 200km pour retourner à Jaipur. Je sais que je ne pourrais pas éviter le trafic de fin d'après-midi. Ce retour était plus froid encore. M'arrêter suffisait à peine à me réchauffer. Environ 15°, mais le vent est passé de frais à froid. Le temps était contre moi. Je me suis donc arrêté une bonne heure dans le restaurant d'un hôtel sur le bord de la route pour me ressourcer. Au passage, la nourriture cette semaine était particulièrement répétitive : salade, tomate et fried rice. Les restaurants indiens proposent presque tous du chinois. En plus d'être un choix sûr et délicieux, je ne voulais plus prendre de risque avec mon ventre fragile. Ce midi, c'était autre chose : trois chapati, les galettes indiennes, avec un assortiment de plats à base de poulet. Classique absolu. Epicé mais vaut le coup.
Le trafic commençait vraiment à s'intensifier. Entre le passage d'ambulances fanfaronantes, j'ai vu un camion et une voiture retournées. De quoi faire ralentir. Il y a beaucoup de péages, ce qu'ils appellent des "Toll gates". Chacune annonce une taxe, mais une voie à gauche est toujours libre pour les deux-roues.
Laissez-moi vous décrire un "phénomène humain" qui m'est tombé dessus pendant une pause dans l'un de ces péages. Après recherches et demandes, je n'ai pas trouvé d'explication. Voilà : un groupe d'une dizaine d'hommes avançant sur la route nationale, un porte drapeau à l'avant. Deux hommes complètement nus au milieu de ce groupe. Tous souriants et discutant entre eux. Croyant au départ, de loin, qu'ils étaient forcenés, je me suis rendu compte que c'était en fait des volontaires. Se foutent-ils à poil pour des raisons politiques ou religieuses ? Si quelqu'un a une explication, il est le bienvenue.
Abasourdi, je continue ma route. A cause de l'épopée de Ranakpur, le "capot latéral droit" commençait à vouloir faire sa vie ailleurs. Je constate, à environ 7Okm de Jaipur, qu'il y a une serrure à ce capot qui menaçait sérieusement de tomber. Je m'arrête donc pour l'ouvrir et tenter de le remettre bien en place. Quand soudain... La clef se casse en deux dans la serrure ! Le capot tombe ! Si près du but... Sans carte SIM au milieu de nulle part, je suis sous le choc. J'envisage en une fraction de secondes toutes les possibilités : appeler un numéro d'appel d'urgence, pousser la moto jusqu'au prochain village... La moitié de clef restante me permettait presque de faire démarrer l'engin. Mais non. A peine deux minutes plus tard, deux indiens, turban et moustache tressée, apparaissent de l'autre côté d'une barrière sur une moto. "Namaste, aidez moi svp, j'ai pété ma clef". Pas un mot en anglais ne semble passer, mais l'un d'entre eux s'illumine quand je montre le cadavre de la clef. Il retire alors la clef de sa moto, s'avance vers la mienne, la démarre et récupère sa clef. Sorcellerie ! Je respire, mais je me dis que c'est temporaire. Pas le droit d'arrêter le moteur jusqu'à que je trouve une solution. Il m'invite à le suivre dans son village à quelques kilomètres, jusqu'à un garage. En deux temps deux mouvements, le garagiste retire la clef du capot, fixe ce dernier à la moto puis me donne une nouvelle clef. Le tout pour 50 roupies (70 centimes). Je n'ai rarement autant remercié quelqu'un que les deux indiens qui m'ont sorti de cette situation qui s'annonçait merdique.
Jaipur, c'était clairement le boss final de la route. On se se serait cru dans un jeu où il faut esquiver piétons, vaches, chiens, et le plus imprévisible, les voitures et les deux-roues qui sortent de nulle part et dépassent comme des tarés. Regulièrement, des aglutinements massifs aux quelques feux rouges des grandes avenues. Dans ces bouchons, pas questions de se laisser faire sous peine de rester bloquer pour une nouvelle séquence de feu. Certains scooters roulent sur le trottoir, ou en sens inverse pour contourner le feu. Beaucoup le grillent carrément.
Cinq kilomètres parcourus en plus d'une demi-heure, pour arriver chez mon concessionaire qui avait l'air surpris que je sois toujours en vie. Douteux, aussi, du parcours que je soutenais être simplement Ajmer et Pushkar. Il n'a même pas remarqué que la nouvelle clef est plus petite que la précédente, que les vitesses se passent beaucoup moins facilement qu'il y a une semaine, que le guidon se détache progressivement du reste...
On ne dirait peut-être pas comme ça, mais conduire en Inde, c'est bien plus simple que ça en a l'air.
Commentaires
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- 1. Pap Le 08/02/2018
Quel bol un dépannage a 70 centimes et sans attendre, ça c est du service !
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