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07/02 - 13/02 - Communauté durable chez les Gurung [2] - Coopération en tout genre
- Par cpt-tibo
- Le 22/02/2018
- Dans Patiswara Village
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PATISWARA, DISTRICT DE GORKHA, NEPAL
07/02 - 13/02Six familles possèdent chacune leur carré de terre, qu'elles exploitent selon différentes méthodes.
Celle ci se sert de la méthode dite "française intensive". Pendant environ une heure, on a labouré le sol, puis recouvert de paille et de cendres (fertilisant). Ils vont en faire une plantation d'"Hammer on", et il paraît qu'il ne s'agit pas des notes du musique.
Plantation de moutarde brune et de patates
Les sessions de travail sont courtes, mais intenses. Il n'y a pas d'horaires définis. Généralement, on prend le petit déjeuner vers 8h, puis il faut attendre que Maki annonce le programme. Ce n'est pas vraiment un pédagogue spontanné. Il répond volontiers aux questions qu'on lui pose, expliquant d'une manière très claire et calme, mais son niveau d'agacement est parfois difficile à déterminer.
Serre à champignons
Tous les jours, il faut arroser la moutarde brune (green mustard), les pommes de terre et les champignons, dans la serre à champignons. Sans doute la seule tâche régulière de cette communauté qui vit au jour le jour. Pendant la mousson, ils fabriquent de l'huile essentielle et du savon, qu'ils vendent au prix fort dans leur unique magasin de Katmandu ouvert quelques heures un jour sur sept. Et tout s'écoule en moins de deux. En attendant, c'est la période de plantage.
Maki et ses petits amis
Maki est impressionnant quand il s'agit de travailler. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne fait pas semblant. Pour mon premier jour de travail, le but était de désherber à la machette l'espace autour des orangers, récupérer les mauvaises herbes et s'en servir pour entourer et protéger les arbustres. Je pense qu'il nous a tous fait un peu culpabiliser dès la seconde où l'a vu s'y mettre. Il était peut-être aussi productif que nous huit indolents réunis. Alors que l'on se détruisait les mains, lui semblait immunisé contre les ronces et les ampoules. Ses cris de guerre étaient sans doute très efficaces. En tout cas, mes mains en témoignent, il m'a parfaitement montré l'exemple.
Four en argile
Le travail devenait chaque jour plus intéressant. Après les repas, j'attendais vraiment avec impatience le programme du jour, désespérant parfois qu'il arrive. Il n'y a pas eu de vraie "journée de repos", pour mon plus grand plaisir. Du moins, pas imposée. Je suis tombé salement malade le deuxième soir, et resté couché toute la journée suivante, ratant sûrement le job le plus intéressant : la construction d'un four en argile. Au moins, j'aurais épargné mes pieds...La communauté est basée sur l'entraide. Toutes les semaines (doute sur la temporalité), un membre de chaque famille est chargé de travailler au service de la communauté.
L'exemple parfait de ce système : le montage express d'une serre, en une heure top chrono.
Les habitants avaient au préalable préparé des poteaux courbés pour la structure verticale, des longs bâtons de bois pour l'horizontale et des bâches pour couvrir le tout.
Il faut dire qu'on était au moins dix, chacun ayant une fonction plus ou moins précise. Trois étapes très simple : ramassage des rochers destinés à soutenir les bâches, fixation des poteaux de bois sur les côtés puis installation des bâches à l'aide des rochers.
Ensuite, il ne restait plus que les finitions au scotch. Ma taille était très demandée pour ce type de travail. Les bras levés, Maki et sa team touchaient à peine le plafond, alors que moi je devais presque me baisser pour y entrer.
Cette serre temporaire ne tiendra que quelques mois. Elle sert de couvent pour les plants d'ocra, (ou gombo), de concombres et de tomates que l'on a planté le jour suivant. Une tâche délicate. Les plants étant fragiles, il fallait enlever absolument toutes les pierres dans les lits de terre que l'on a fabriqués. Puis avec les mains, découper des mini tranchées pour planter les graines.
Pour la construction d'un arrosoir, les fermiers ont fait preuve d'une éloquente improvisation, utilisant un bidon et des boites de conserves trouées à la vis. A ce jour, le moyen de rendre le couvercle troué amovible n'avait pas encore été trouvé.
Vue sur le camp depuis la route -
07/02 - 13/02 - Communauté durable chez les Gurung [1] - Intro secouée
- Par cpt-tibo
- Le 21/02/2018
- Dans Patiswara Village
- 2 commentaires
PATISWARA, DISTRICT DE GORKHA, NEPAL
07/02 - 13/02Pendant que mon minibus pour Pokhara attend ses derniers arrivants, j'admire le "Puja" qui a lieu en face de moi. Il s'agit d'une procession hindoue paraît-il assez courante. Ici, des femmes portaient des plateaux de fleurs et de nourriture, qu'elles venaient déposer sur un autel en offrande aux dieux, le tout accompagné de tintements de cloches. C'est un rite régulier dans la vie d'un hindou, sensé carrément invoquer une divinité.
Quelques cinq heures de route en comptant la pause déjeuner, la roue crevée et l'oubli du chauffeur de me lâcher à Chumkhola, à mi chemin entre Katmandu et Pokhara. Il s'est bien rattrapé en arrêtant un pick up surpeuplé afin que je puisse rebrousser chemin jusqu'à ma dernière étape.
Grand Pont de Chumkhola
"A Chumkhola, descends les escaliers, traverse le pont puis prend le bus, il part tous les jours à 15h". Voici en gros les instructions de mon hôte. Inutile d'être plus précis. Il n'y a effectivement qu'un seul bus, et le pont est impossible à rater.
Bus Terminal
Le "village" (bien grand mot pour trois ou quatre habitations), est avant tout un point de départ important de rafting, et le terminal de l’unique bus du coin. Un couple d'allemands a débarqué in extremis juste avant son départ. On a immédiatement compris la raison de notre présence à tous les trois dans ce coin perdu. Phillipe et Maike, vingt-cinq ans et travailleurs sociaux, étaient mes deux acolytes pour ce périple de deux heures à travers les petits villages du district de Gorkha. Au départ, on s'est retrouvés debout, le bus étant surbooké depuis des heures. Taille impose, je devais constamment plier la tête, si ce n'est le dos lors des sauts de cabri. Je n'ai pas tenu cinq minutes dans cette position. Au diable la dignité, je préfère m'asseoir sur le sol. Pendant le retour la semaine suivante, j'ai compris ce que Philippe essayait de m'expliquer. J'ai raté tout le fun, mais c'était pour le mieux. La route est en sable, étroite, et frôle le précipice en permanence, au point qu'on voit rarement le sol quand on regarde par la fenêtre.
Patiswara National Highway
C'est encore moins rassurant d'apprendre qu'il n'y a jamais eu d'accidents sur cette route. Je m'explique. La majorité des népalais croient au karma, qui veut que chaque situation/conséquence soit le résultat de causes précises, se répercutant sur les différentes vies. La croyance en la réincarnation amène l'hindou à être fataliste. Donc pas de tension, juste le destin. Ce qui n'a pas pu être accompli dans cette vie le sera peut-être dans la suivante (Poussé à l'extrême, il n'y aucune raison morale de donner aux mendiants, car s'ils sont aussi pauvres, c'est parce qu’ils le méritent à cause des actes de leurs précédentes vies). Je pense que cela explique dans une certaine mesure la sérénité des conducteurs et des passagers.
Patiswara Base Camp
En vie et à la bonne adresse, un membre de la communauté nous accompagne jusqu'à l'espace commun. Il est 17h et cinq autres volontaires sont déjà assis sur les bancs autour du feu. Sur huit, nous étions cinq francophones. On est un peu les chinois du voyage en somme. La team Patiswara est la suivante : Gipsy Max le savoyard, Tabarnak Stephanie, Mich from the US, les françaises chamailleuses Agathe de Paris et Megan de Londres, et mes allemands préférés. La doyenne du groupe, Mich, n'a que 27 ans.
Notre hôte s'appelle Maki. A l'arrivée, on s'étonne de ne pas le voir se présenter, ou tout simplement dire Namaste. Il faut peu de temps pour saisir le caractère nonchalant du personnage. Il a souvent l'air dans son monde, toujours en train de siffler ou de fredonner la chansonnette, celle qui reste coincée dans la tête pendant des heures. Il a rendu folle Stéphanie, (plus d'une fois) qui a passé des heures à maîtriser une mélodie venue des Andes à la flûte, instrument qu'elle n'avait jamais joué avant.
Plantations en terrasse autour de la communauté
Maki est en gros le "responsable actuel des volontaires". Avec lui, vous l'avez compris, pas de formalités. Ne semble l'intéresser que ce qui l'amuse ou le passionne. Il ne sait pas rester sans rien faire, mais reste lucide en toutes circonstances (stoned lucidity). C'est un bosseur qui a vécu et travaillé au Japon pendant quatre ans. Il n'a pas aimé son expérience là-bas, d'abord car les gens sont racistes.
Jusqu'en milieu de semaine, j'aurais juré qu'il était japonais. En plus de son nom et de son apparence physique assez typique du Japon (je trouve), il avait invité une amie japonaise à lui. Une alpiniste un peu effacée mais très sympathique, qui participait volontiers aux tâches quotidiennes. Ses séances d'étirement/yoga au lever du soleil s'apparentaient à une œuvre d'art sur fond des hauts massifs himalayens. C'était l'invité spéciale qui avait le privilège de dormir dans la ferme du brave Maki.
Manaslu en fin de journée
Quand le ciel est dégagé, on aperçoit le Manaslu, 8163m (8e plus haut sommet mondial), et d'autres hauts massifs du centre-ouest du Népal Himalayen, comme le Ganesh Himal. La communauté est située autour de petits villages traditionnels gurung, ethnie autrefois réputée pour ses talents de guerriers. Le sourire facile, il paraît qu'ils restent quand même de féroces combattants.
Gurung et ses chèvres
L'odeur du feu de camp et le bruit du bêlement des chèvres me réveillait chaque matin comme un rituel, quand ce n'était pas un volontaire qui se préparait à partir. Le soir, c'est la fête aux villages des alentours. On peut entendre des bruits sourds de grosses basses et de cris de joie venant de la colline en face. Un gurung sait faire la fête. En même temps, la weed (mauvaise herbe), n'a jamais aussi bien porté son nom qu'ici. Elle pousse partout, et on la sent partout. Les locaux en distribuent des poignées comme on distribue des chocolats. Pas étonnant que ce pays, berceau du cannabis, attire autant de hippies. Ils ont leur méthode de roulage bien à eux. Je n'en dirais pas plus pour éviter de compromettre certaines personnes. L'internet n'est plus si sûr de nos jours.
Ma famille Gurung préférée
Les habitants de la communauté sont anti conformistes. Ils payent le moins de taxe possible, ce qui expliquerait les pannes de courant fréquentes. Malgré l'isolement relatif, on reste à deux minutes d'une école sur un site en construction, où plusieurs salles de classe sont faites de tôle. En fin de journée, on assiste au défilé des écoliers et collégiens qui rentrent à la maison par la "route principale", passant devant la communauté. Namaste les premiers jours, puis juste des sourires. Il y a environ un an et demie, voir des étrangers a dû leur faire un choc. Maintenant, c'est évident qu'ils commencent à s'habituer à nous. Tout comme on s'habitue à eux.
Ce gosse était dingue de moi, et surtout de mon appareil photo, qui est passé entre les mains de toute la petite famille
Aux alentours
En réalité, les habitations sont si dispersées qu'on peut difficilement parler de "villages". Il n'y a presque aucun véhicule à des kilomètres. Le seul bus du coin descend chaque matin à partir de 7h et remonte à partir de 15h. A ne surtout pas manquer, si on ne veut pas attendre le lendemain pour repartir. Quelques échoppes se trouvent à des distances raisonnables de la communauté, pratique pour les réapprovisionnements de gâteaux et de bières.
Gurung coupant des branches en face des chambres
Les femmes sont courageuses. On les voit fréquemment traverser la route, chargées comme des mulets de branches ou de sacs. Elles travaillent dur et vivent dans des conditions précaires. On peut assister au spectacle des toilettes sauvages de la famille habitant la maison de fortune en face de la communauté. On préfère se retourner.
Sur la voie rapide
Notre première et dernière expédition en groupe avait pour but de dénicher de la farine pour en faire des chapatis ou du pain, que Mich désirais par dessus tout avant son départ, à défaut de grosses pizzas ricaines. J'aime conclure sur des grosses pizzas.
Mais rien ne vaut cette stoned goat
Toutes les chèvres népalaises sont comme celle-ci. Oui.