07/02 - 13/02 - Communauté durable chez les Gurung [1] - Intro secouée

PATISWARA, DISTRICT DE GORKHA, NEPAL
07/02 - 13/02

Pendant que mon minibus pour Pokhara attend ses derniers arrivants, j'admire le "Puja" qui a lieu en face de moi. Il s'agit d'une procession hindoue paraît-il assez courante. Ici, des femmes portaient des plateaux de fleurs et de nourriture, qu'elles venaient déposer sur un autel en offrande aux dieux, le tout accompagné de tintements de cloches. C'est un rite régulier dans la vie d'un hindou, sensé carrément invoquer une divinité.

Quelques cinq heures de route en comptant la pause déjeuner, la roue crevée et l'oubli du chauffeur de me lâcher à Chumkhola, à mi chemin entre Katmandu et Pokhara. Il s'est bien rattrapé en arrêtant un pick up surpeuplé afin que je puisse rebrousser chemin jusqu'à ma dernière étape.

Chumkhola bridge
Grand Pont de Chumkhola
"A Chumkhola, descends les escaliers, traverse le pont puis prend le bus, il part tous les jours à 15h". Voici en gros les instructions de mon hôte. Inutile d'être plus précis. Il n'y a effectivement qu'un seul bus, et le pont est impossible à rater.

Chumkhola
Bus Terminal
Le "village" (bien grand mot pour trois ou quatre habitations), est avant tout un point de départ important de rafting, et le terminal de l’unique bus du coin. Un couple d'allemands a débarqué in extremis juste avant son départ. On a immédiatement compris la raison de notre présence à tous les trois dans ce coin perdu. Phillipe et Maike, vingt-cinq ans et travailleurs sociaux, étaient mes deux acolytes pour ce périple de deux heures à travers les petits villages du district de Gorkha. Au départ, on s'est retrouvés debout, le bus étant surbooké depuis des heures. Taille impose, je devais constamment plier la tête, si ce n'est le dos lors des sauts de cabri. Je n'ai pas tenu cinq minutes dans cette position. Au diable la dignité, je préfère m'asseoir sur le sol. Pendant le retour la semaine suivante, j'ai compris ce que Philippe essayait de m'expliquer. J'ai raté tout le fun, mais c'était pour le mieux. La route est en sable, étroite, et frôle le précipice en permanence, au point qu'on voit rarement le sol quand on regarde par la fenêtre.

Patiswara road
Patiswara National Highway
C'est encore moins rassurant d'apprendre qu'il n'y a jamais eu d'accidents sur cette route. Je m'explique. La majorité des népalais croient au karma, qui veut que chaque situation/conséquence soit le résultat de causes précises, se répercutant sur les différentes vies. La croyance en la réincarnation amène l'hindou à être fataliste.  Donc pas de tension, juste le destin. Ce qui n'a pas pu être accompli dans cette vie le sera peut-être dans la suivante (Poussé à l'extrême, il n'y aucune raison morale de donner aux mendiants, car s'ils sont aussi pauvres, c'est parce qu’ils le méritent à cause des actes de leurs précédentes vies). Je pense que cela explique dans une certaine mesure la sérénité des conducteurs et des passagers. 

Patiswara base camp
Patiswara Base Camp
En vie et à la bonne adresse, un membre de la communauté nous accompagne jusqu'à l'espace commun. Il est 17h et cinq autres volontaires sont déjà assis sur les bancs autour du feu. Sur huit, nous étions cinq francophones. On est un peu les chinois du voyage en somme. La team Patiswara est la suivante : Gipsy Max le savoyard, Tabarnak Stephanie, Mich from the US, les françaises chamailleuses Agathe de Paris et Megan de Londres, et mes allemands préférés. La doyenne du groupe, Mich, n'a que 27 ans.
Notre hôte s'appelle Maki. A l'arrivée, on s'étonne de ne pas le voir se présenter, ou tout simplement dire Namaste. Il faut peu de temps pour saisir le caractère nonchalant du personnage. Il a souvent l'air dans son monde, toujours en train de siffler ou de fredonner la chansonnette, celle qui reste coincée dans la tête pendant des heures. Il a rendu folle Stéphanie, (plus d'une fois) qui a passé des heures à maîtriser une mélodie venue des Andes à la flûte, instrument qu'elle n'avait jamais joué avant.

Patiswara
Plantations en terrasse autour de la communauté
Maki est en gros le "responsable actuel des volontaires". Avec lui, vous l'avez compris, pas de formalités. Ne semble l'intéresser que ce qui l'amuse ou le passionne. Il ne sait pas rester sans rien faire, mais reste lucide en toutes circonstances (stoned lucidity). C'est un bosseur qui a vécu et travaillé au Japon pendant quatre ans. Il n'a pas aimé son expérience là-bas, d'abord car les gens sont racistes.
Jusqu'en milieu de semaine, j'aurais juré qu'il était japonais. En plus de son nom et de son apparence physique assez typique du Japon (je trouve), il avait invité une amie japonaise à lui. Une alpiniste un peu effacée mais très sympathique, qui participait volontiers aux tâches quotidiennes. Ses séances d'étirement/yoga au lever du soleil s'apparentaient à une œuvre d'art sur fond des hauts massifs himalayens. C'était l'invité spéciale qui avait le privilège de dormir dans la ferme du brave Maki.

Manaslu from Patiswara
Manaslu en fin de journée
Quand le ciel est dégagé, on aperçoit le Manaslu, 8163m (8e plus haut sommet mondial), et d'autres hauts massifs du centre-ouest du Népal Himalayen, comme le Ganesh Himal. La communauté est située autour de petits villages traditionnels gurung, ethnie autrefois réputée pour ses talents de guerriers. Le sourire facile, il paraît qu'ils restent quand même de féroces combattants.

Gurung goat
Gurung et ses chèvres
L'odeur du feu de camp et le bruit du bêlement des chèvres me réveillait chaque matin comme un rituel, quand ce n'était pas un volontaire qui se préparait à partir. Le soir, c'est la fête aux villages des alentours. On peut entendre des bruits sourds de grosses basses et de cris de joie venant de la colline en face. Un gurung sait faire la fête. En même temps, la weed (mauvaise herbe), n'a jamais aussi bien porté son nom qu'ici. Elle pousse partout, et on la sent partout. Les locaux en distribuent des poignées comme on distribue des chocolats. Pas étonnant que ce pays, berceau du cannabis, attire autant de hippies. Ils ont leur méthode de roulage bien à eux. Je n'en dirais pas plus pour éviter de compromettre certaines personnes. L'internet n'est plus si sûr de nos jours.

Gurung family
Ma famille Gurung préférée
Les habitants de la communauté sont anti conformistes. Ils payent le moins de taxe possible, ce qui expliquerait les pannes de courant fréquentes. Malgré l'isolement relatif, on reste à deux minutes d'une école sur un site en construction, où plusieurs salles de classe sont faites de tôle. En fin de journée, on assiste au défilé des écoliers et collégiens qui rentrent à la maison par la "route principale", passant devant la communauté. Namaste les premiers jours, puis juste des sourires. Il y a environ un an et demie, voir des étrangers a dû leur faire un choc. Maintenant, c'est évident qu'ils commencent à s'habituer à nous. Tout comme on s'habitue à eux.

Patiswara
Ce gosse était dingue de moi, et surtout de mon appareil photo, qui est passé entre les mains de toute la petite famille

Gorkha villages
Aux alentours
En réalité, les habitations sont si dispersées qu'on peut difficilement parler de "villages". Il n'y a presque aucun véhicule à des kilomètres. Le seul bus du coin descend chaque matin à partir de 7h et remonte à partir de 15h. A ne surtout pas manquer, si on ne veut pas attendre le lendemain pour repartir. Quelques échoppes se trouvent à des distances raisonnables de la communauté, pratique pour les réapprovisionnements de gâteaux et de bières.

Gurung
Gurung coupant des branches en face des chambres
Les femmes sont courageuses. On les voit fréquemment traverser la route, chargées comme des mulets de branches ou de sacs. Elles travaillent dur et vivent dans des conditions précaires. On peut assister au spectacle des toilettes sauvages de la famille habitant la maison de fortune en face de la communauté. On préfère se retourner.

Patiswara road
Sur la voie rapide
Notre première et dernière expédition en groupe avait pour but de dénicher de la farine pour en faire des chapatis ou du pain, que Mich désirais par dessus tout avant son départ, à défaut de grosses pizzas ricaines. J'aime conclure sur des grosses pizzas.

Gorkha goat
Mais rien ne vaut cette stoned goat
Toutes les chèvres népalaises sont comme celle-ci. Oui.

 

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Commentaires

  • Quentin
    • 1. Quentin Le 21/02/2018
    C'est malin à cause de ta chèvre j'ai failli recracher mon thé...
  • Mom
    • 2. Mom Le 21/02/2018
    Magnifique !

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