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30/01 - 01/02 - Paysages lunaires et dénivelés abyssaux - Le trek de la Vallée de Sham, Ladakh

Sham Valley
Trek de la Vallée de Sham
Ah les paysages lunaires du Ladakh. Ces somptueuses montagnes désertiques dans lesquelles ont peut marcher plusieurs jours sans croiser personne. Pour un prix moyennement convenable car timidement négocié, je me suis offert un "baby-trek", comme disent les ladakhis. Le forfait incluait le taxi (qui prend plus de la moitié du prix à lui tout seul), les panier-repas et le guide. Au programme donc, trois jours, dont deux de marche, de Likir à Tingmosgang, pour un total d'environ 25km, avec deux nuits chez l'habitant. Je vous offre un épisode contemplatif d'une trentaine de photos. Pourtant, je les ai vraiment triées au maximum...

Temple Ladakh
Mon temple préféré à la fin du trek
Mon taxi klaxonne vers 8h. Un petit bonhomme robuste et bien tassé au visage amical s'avance vers moi et me serre chaleureusement la main. C'est Karma, mon guide pour ces trois prochains jours. Son anglais était hélas assez limité. A chaque question de ma part, les trois quarts du temps sa réponse était "Ye ye ye". Le trajet était du genre : "Waouh ! Tellement de camps militaires !" - "Ye ye ye beaucoup de militaires" - "Colline magnétique ? Ca veut dire quoi ?" - "Ye ye ye colline magnétique" - "Vous pensez que les monastères sont ouverts ?" - "Ye ye ye beaucoup de monastères". Il se faisait un malin et maladroit plaisir de répéter, sans vraiment comprendre le sens de mes questions. Au bout d'un moment ça saute aux yeux, et on arrête de poser des questions. Le trajet était très silencieux, pas reposant pour autant, et le chauffeur me guidait plus que mon Karma.
On s'est arrêté pas loin après Leh pour un chaï et un petit déjeuner dans une boulangerie locale servant de très bons gâteaux au sucre. Puis une heure et demie sur la radieuse route nationale n°1. Après moultes camps et fourgons militaires avançant au ralenti, on serpente comme jamais entre les montagnes nues et ses fracassants dénivelés. Il faut sans arrêt esquiver les rochers fraîchement éboulés sur la route. 

Likir Monastery
Likir depuis le monastère
La première étape est le monastère de Likir, à partir duquel est censé commencer ce trek qui dure normalement quatre jours. Nous, on va commencer un peu plus loin. L'arrêt fut bref. Karma est parti cherché le "lama", sorte de leader spirituel du monastère, pour lui demander d'ouvrir le temple. Lama pas là. J'ai cru qu'il allait dire que je n'avais pas de karma.

Likir Monastery 2
Cour du monastère
La cour, le toit et les alentours sont tout de même digne d'intérêt. Je m'attendais au moins à ce que mon guide essaye de m'expliquer les bases architecturales ou religieuses du site. Je l'ai vu prier devant l'imposante statue de Bouddha, puis retourner m'attendre dans la voiture. Pas grave. Finalement, c'était peut-être mieux d'aller à l'essentiel. Je préfère être libre que d'avoir à subir une visite lourde et mal guidée. 

Sham Valley Trek
Début du trek à quelques km de Likir
Quelques trois heures de marche en plein soleil jusqu'à Yangtang. Je transpirais à grosses gouttes sous ma parka et sa capuche en fourrure. Mon dos trempé se gelait instantanément dès que je l'enlevais plus de cinq minutes. J'ai rapidement enlevé ma polaire.

Sham Valley Trek 2
Mini glacier
J'avais d'emblée déclaré à Karma qu'il pouvait se permettre d'avancer vite. Lui, comme beaucoup d'autres guides, sont relativement saturés par toutes ces années de trek. Apparemment, on ne se lasse jamais de la région, de son atmosphère ou de ses habitants. A la longue, c'est le côté visite touristique qui désabuse. On est tous deux partis d'un bon pied, même si le sien était meilleur. Bah oui, j'étais le touriste idéal, pas dramatisé par la possibilité d'un trekking silencieux. En vrai, mes pieds, OK. Le rythme, plus que convenable. 

Sham Valley Trek 3
On se sent tout petit au milieu de ces abracadabrantesques montagnes
Dans ce grand pays peuplé de petits hommes, c'est un sentiment nouveau pour moi. Le sentier est plus ou moins plat et tracé. Il alterne entre pentes douces et certaines plus escarpées, avant de monter beaucoup plus sèchement en zigzag. Parfois, quelques déviations pas évidentes me confortaient dans mon choix de partir accompagné. On passe sous pas mal de dômes rocheux.  

Yangtang
Yangtang
Petit village pour camper avant de partir pour Hemis Shukpachan, à deux heures de marche. On l'a survolé pour emprunter, un peu dommage, un long tronçon de route pendant quelques kilomètres. Puis une étendue caillouteuse descendant tranquillement jusqu'à notre paisible destination pour la nuit.

Hemis Shukpachan
Hemis Shukpachan
Trouver un "homestay" disponible a été beaucoup plus difficile que prévu. On a essuyé trois gentils refus embarrassés. Les habitants m'ont fait le coup des chambres trop sales ou pas assez bien chauffées, et du "problème" des toilettes sont locales. Sérieusement, je ressemble tant que ça à un petit bourge incapable de s'adapter à la réalité locale ? C'est surtout de la faute de Karma, qui me demandais ce que je voulais dîner, à quelle heure je voulais partir... Je veux pas qu'on me demande mon avis ! Le but de séjourner chez l'habitant, c'est de sortir de sa zone de confort. "Local", je répondais à chaque fois.

Hemis Shukpachan 2
"CHAH" et coups de bâtons 
Deux gamines entreprenantes nous ont guidé chez leur grands-parents qui ont finit par nous accueillir. Un couple charmant, très serviable et respectueux. Leur petite salle à manger est au sous sol et je devais presque me coucher sur le dos pour y accéder. L'ambiance de cette petite pièce réchauffée par son poêle à bois était délectable. Par contre, ma chambre était glaciale. Il faisait aussi froid à l'intérieur qu'à l'extérieur. Après le chaï et les cookies, je suis parti seul en direction du monastère et de son couvent au sommet du village. 

Hemis Shukpachan temple
Temple de Hemis Sukpachan
Comme je m'y attendais, le couvent aussi était fermé. C'était un highlight du trek. Plus tard, j'apprendrais le décès récent d'un des quelques cinquante membres du village. Comme les funérailles se déroulent à Leh, le lama est parti y assister, emportant avec lui avec les clefs du monastère. Je veux bien croire en la bonne foi de l'agence qui m'avait vendu ce couvent comme une expérience inoubliable. Même si le "L'hiver c'est top y a pas un seul touriste" s'est transformé en chemin en "L'hiver c'est vraiment pas la meilleure saison". Pour moi, cette saison a définitivement ses avantages.

Hemis Shukpachan 3
Rencontre surprenante d'un handicapé mental attachant, dans tous les sens du terme
Il piquait sans arrêt des fous rires stridents. Les locaux étaient amusés que je m'intéresse à lui en retour. Je n'ai pas réussi à en tirer un mot. C'est mon "nouvel ami" selon Karma. Arrivé au homestay, il a demandé à la petite fille de l'homestay de s'en occuper. Je pensais alors que c'était l'idiot du village dont tout le monde "prenait soin". Un peu plus tard, alors que que je tentais de survivre sous trois couvertures, dans ma chambre se réchauffant progressivement, j'entends son rire à travers la fenêtre. Le courant était coupé. Seule la lumière d'une petite bougie éclairait faiblement la pièce. J'étais sûr qu'il m'observait (et qu'il était complètement inoffensif). Tout d'un coup, il entre carrément dans la chambre et se tient devant moi, me fixant en rigolant... Je le fais partir, pas méchamment mais pas gentiment non plus. Karma m'appelle pour manger deux minutes plus tard. "I see retarded people" lui dis-je comme à Bruce Willis (réa indien au passage). Il a beau ne pas faire de mal à une mouche, on ne sait jamais ce qui peut l'intéresser dans mes affaires. Et puis qu'est-ce qu'il fout ici ?

Hemis Shukpachan 4
Dîner
On a mangé tous ensemble. En fait, c'est le petit-fils de mes hôtes. Le repas était vraiment captivant. J'ai été bien servi. Des mok-mok, raviolis locaux, à volonté. J'ai adoré l'ambiance feu de poêle de ce petit nid douillet. Parfois, la gêne de mes hôtes occasionnée par certains passages à vide de leur petit-fils était évidente. Quand le grand papa m'a montré sa carte affichant fièrement "guesthouse", puis demandé mon avis sur l'appellation de son hébergement, je lui ai répondu que la maison d'hôte, ça sonnait un peu plus "pro" et "business" que le séjour chez l'habitant. Il a semblé un peu déçu.

Hemis Shukpachan 5
J'ai des frissons quand je regarde cette photo
Je n'ai pas eu le courage de me lever plusieurs fois pour alimenter le feu du poêle, préférant à la place étouffer sous toutes ces couvertures. J'ai dû attendre que mon guide se réveille quelques temps après l'heure qu'il avait fixée pour le départ. A partir de là, j'ai définitivement arrêté d'attendre quelque chose de lui.

Sham Valley Trek 5
Journée sans soleil

Quelle magnifique randonnée jusqu'à Tingmosgang. Il faut à environ quatre heures pour parcourir 11km, et c'est déjà la dernière étape. Elle monte beaucoup plus que la précédente.

Sham Valley Trek 4
Très végétatif en comparaison du reste
Un moment, Karma a imposé une pause. Réaliste et honorable pour un guide. Je me dis que la plupart auraient forcé le trek jusqu'à dépasser leurs limites, ou trépasser.

Sham Valley Trek 6
Au final, on s'élève seulement quelques centaines de mètres, dont chacun d'entre eux n'est qu'un grain de poussière au milieu de cette vallée abyssale

Ang
A la moitié du parcours, on arrive à Ang

Sham Valley Trek 7
Suivez le guide
Un minuscule village après lequel le chemin tracé s'arrête brusquement. Il laisse place à un dénivelé rocheux qui met les pieds à l'épreuve. Sans doute la meilleur partie de la vallée.

Sham Valley Trek 8
Hmmm, ces roches multicolores

Tingmosgang
L'habitante de la Yak Guesthouse
Tingmosgang. Le homestay n'était pas non plus évident à trouver. Il s'agit plus d'une chambre d'hôte cette fois-ci, mais toujours avec cette petite salle à manger. Même accueil chaï-leureux, même chambre glaciale, mêmes toilettes à l'indienne. Je laisse mes affaires et fonce au monastère en espérant qu'il soit ouvert.

Tingmosgang 2
Cour du Monastère de Tingmosgang
Des salles de prières et quelques temples étaient ouverts. Prend ça Karma ! Des moines et quelques moinillons présents dans la cour. Un de ces moines que je soupçonne être le lama s'exprimait dans un anglais excellent. Deux-trois touristes indiens. 

Tingmosgang 3
Route du monastère
Des fortifications autour de ce monastère bancalement accroché à la falaise.
En descendant, j'ai raté le chemin et improvisé sur une descente caillouteuse archi abrupte. Je suis arrivé dans un jardin. Julley !

Tingmosgang 4
Brassage du thé
J'ai passé toute la fin d'après-midi à lire dans la chaleur de la salle à manger, pendant que la maîtresse de maison roulait de la farine pour préparer les "chapatis". Notre hôte lui brassait le "thé salé", une spécialité que les locaux raffolent.

Tingmosgang 5
Moulinets de prière et casse dalle d'après-midi
Au dîner, potage de légume triple portion. Goûteux. Je me réconcilie un peu avec Karma, qui semble mieux comprendre mon anglais ce soir-là. Je me souviens d'une conversation sur la mobilité sociale. Il me disait "Rend tes parents fiers en faisant comme eux". Je lui faisait comprendre qu'en France, c'est pas aussi simple (marre de toujours tout nuancer). Notre mentalité veut qu'on ait plus d'honneur à trouver notre propre voie plutôt que de subir son destin, chose pas toujours évidente. Ses parents sont, comme beaucoup ici, des réfugiés tibétains (Même si la plupart le sont depuis des générations).

Sham Valley Trek 9
Je suis tellement mystérieux


A 9h le lendemain, le taxi revient pour une dernière journée dans les temples et monastères avoisinants. 

Sham Valley Temple
A quelques kilomètres de Tingmosgang, ce temple était d'une finesse

Sham Valley Temple 2
Une salle de prière était ouverte
Il est tout neuf. Un minuscule temple plus ancien le surplombe, accessible après de nombreuses marches. Karma m'explique enfin que "Tout est fermé car tout le monde est à Leh". Sauf qu'à Leh aussi tout est fermé... Il a encore essayé de me prendre en photo, mais ça n'a pas donné grand chose.

Sham Valley Temple 3
Stupas du temple

Alchi Monastery
Entrée du Monastère d'Alchi
Arrive le "11th Century Temple". Comme son nom l'indique, un temple du 11e siècle en l'état.
Le lama était là. Pas fâché, il a ouvert la serrure pour la découverte d'un temple d'un autre temps. L'odeur des vieilles peintures murales prend immédiatement aux narines. Une multitude de petits bouddhas décorent les murs autour de fresques sacrément épiques. Au centre, des idoles dont le grain se détachait à moitié. Evidemment, les photos sont proscrites. Un tout petit temple. Le site regorge de mystères.

Sham Valley Temple 4
Il ira loin

Indus Ladakh
Des passages étroits débouchent jusqu'à l'Indus, le roi des fleuves, que je vois enfin, par hasard

En me relisant, je réalise que j'ai pas mal critiqué. C'est vrai, certaines conditions n'étaient pas idéales. Même si ce post est rédigé deux semaines après le trek, j'essaye de retranscrire au mieux mon état d'esprit sur le moment. Croyez-moi, dans l'ensemble, j'ai adoré le faire. La beauté himalayenne surpasse toutes les désagréments que j'ai pu rencontrer. Le Ladakh vaut à lui seul mille villes indiennes (ce qui ne veut rien dire). Les superlataxatifs sont impuissants, voire inutiles, face à cette grandiose expérience. A prendre comme vous voulez.

 

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Commentaires

  • Pap
    • 1. Pap Le 15/02/2018
    Plutot bon ton karma ! Et a la fin tout le monde s en est à leh
  • Quentin
    • 2. Quentin Le 14/02/2018
    Superbes décors on se croirait dans un film post-apo
  • Mom
    • 3. Mom Le 14/02/2018
    La photo avec la vache noire est extraordinaire! Et sans nuance... toutes les autres aussi. C'est énorme pour un babytreck!

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