Une semaine à Dumila [1] : Un village ordinaire mais inattendu

Dumila, Province de Morogoro, Tanzanie

 

          Dans le bus allant à Morogoro, un commercial ventait les bienfaits du dentifrice sensitive, à base d'aloe vera. Les passagers semblaient totalement indifférents à son discours, mais ils furent pourtant une dizaine à lui en acheter. Mon voisin m'expliqua que c'est parce qu’il parlait bien, donc on voyait que c'était un homme diplômé. Après le dentifrice, place aux balles rebondissantes (qui lui ont permit de rebondir...), sur fond de visionnage de la version swahilie de Banlieue 13.

          Un trafic important dans la région de Dar Es Salaam ; trajet de cinq heures au lieu des 3h escomptées. Ma destination : Morogoro, situé à environ 200km de Dar Es Salaam, au centre de la Tanzanie. A peine ai-je posé le pied dans la station de bus qu'une armée de taxis a fondu sur moi. Je leur ai demandé s'ils connaissaient Said. A en croire certains, Said était fermé et je devais les suivre pour trouver un hôtel ouvert. Je me suis finalement arrangé pour le contacter, et après une vingtaine de minutes, nous sommes montés dans un minibus en direction de son village.

 

Ma première impression ne fut pas très positive...

 

Moi qui m'attendais à un petit village paisible de Maasaï, je fus surpris de mettre les pieds dans une bourgade sablonneuse et fourmillante. Des petites boutiques d'outillage, de téléphonie ou de vêtements et des vendeurs de fruits, légumes, poulet ou de poissons frits à la sauvette à la place des hectares de mais et de coton.

          Dumila s'est développée rapidement, n'obtenant que très récemment son statut officiel de ville : 14 000 habitants au dernier recensement. Par la suite, tous les tanzaniens à qui j'ai parlé de Dumila en avait déjà entendu parler, donc on ne peut pas vraiment parler de village.

Comme on peut s'y attendre dans une ville, beaucoup de métiers sont représentés : Agriculteurs, charpentiers, ouvriers, restaurateurs, couturiers. On peut presque tous les observer travailler dans la rue devant chez eux (gain de place, économie d'électricité, moins de chaleur). 
Et pourtant, peu de bénéfices. Beaucoup d'entre eux appartiennent à ces 70% de la population qui vit avec moins de 2$ par jour!!!! Les produits à faible valeur ajouté s'exportent principalement à l'intérieur du pays (contrairement aux épices de Zanzibar). 
La plupart des habitants vivent de la culture et de la transformation du maïs, du tournesol et du riz. 


Au nord, on trouve trouve beaucoup de champs, traversés par des cours d'eau asséchés à cette période (juste après la saison des pluies), dont ceux de Said, à moitié laissés à l'abandon. Le long de la route principale, entre des stands de vente de légumes, s'enchaînent des machines et des entrepôts de stockage.

L'endroit le plus intéressant selon moi est la fabrique de briques en plein air. Près d'une marre entourée des champs et la savane herbeuse s'empilent des amas de briques fraîches, que les fabriquant démoulent avec une rapidité spectaculaire. Ils les alignent puis les laissent sécher quelques jours au soleil avant d'en faire des petites pyramides. Atelier brique un après-midi. Sans être compliqué, cela demande une certaine précision, rigueur et endurance.

Premières nuits assez dures...

 

          Entre les chants de célébration sans fin (venant d'un mariage, de la mosquée ou tout simplement des radios des voisins), le rat vivant en dessous de mon lit - et qui s'était mis en tête de le dévorer un peu plus chaque nuit - et l'oncle fou, je dormais rarement plus de 5h par jour. Oui, l'oncle fou de Said, qui ne dort jamais et qui parle tout seul, tout le temps ! Dans sa petite chambre en face de la cour, il parle encore plus fort la nuit que le jour... Apparemment, son cerveau aurait disjoncté à cause d'une consommation excessive de cannabis. Il avait pas l'air de faire de mal à une mouche, mais qu'est ce qu'il m'a rendu fou !

On trouve une église Pentecôtiste ainsi qu'un autel de Jéhovah près de la maison de Mama. On entend la prière résonner dès 5h du matin. Des églises protestantes plus traditionnelles sont disséminés partout dans la ville. Les femmes voilées sont presque aussi fréquentes que celles aux épaules dénudées. C'est très représentatif de la culture swahilie, d'origine bantoue, où l'influence vient autant de l'islam que du christianisme. 


Grâce à ses habitants, j'ai commencé à apprécier Dumila. Aujourd'hui, elle représente une de mes meilleures expériences de voyage.

 

Said m'a présenté la petite famille : sa Mama adoptive et son mari : Sandor, leur fils : Donaldi, les habitants de l'espace communautaire, toute la vingtaine d'enfants du voisinage...

Un homme au (trop) grand cœur

          Petite barbe, voix rauque et caractère enthousiaste, Said est un homme au grand cœur, malheureusement au sens propre du terme. Un peu avant mon arrivée, il faisait un check-up de contrôle à l'hôpital de Morogoro. Ce n'est pas vraiment clair pour moi, mais les médecins lui auraient appris que son cœur occupe trop de place dans sa poitrine. Depuis ce jeudi 13 juin 2019, il prend une tonne de médocs et espère guérir d'ici un mois.

A "moitié Maasaï", à 29 ans, Said est un ancien agriculteur, métier qu'il tient de son père, un soldat à la retraite originaire de Zanzibar (île rattachée à la Tanzanie). Il a laissé tomber la culture de maïs et de riz pour se tourner vers un secteur en plein essor : le tourisme. Il m'a dit avoir gravit le Kilimanjaro tellement de fois qu'il ne se souvient même plus du nombre. Il organise des safaris, trekkings et visites culturelles grâce à ses nombreux contacts. Toutefois, cette activité ne lui procure pas de revenu fixe et suffit à peine à payer la location d'une minuscule chambre.

Son rêve est de finir la construction de sa librairie, dont les murs ont été bâtis il y a un peu plus d'un mois. Je l'ai un peu aidé en finançant une plaque de tôle ondulée, partie du futur toit. Une fois terminée, il envisage de créer une association afin de faire appel à des volontaires ayant un visa de travail.
Le volontourisme commence à se faire risqué, en témoigne sa convocation chez le "gouvernement local" qui voulait savoir ce qu'on faisait là. Ils suspectaient davantage le fait que Said devait se faire beaucoup de blé, car pour eux, en tant que Muzungu (blanc), on est forcément à l'origine de formidables recettes. Il s'est contenté de dire qu'on s'était rencontrés sur un site d'échange culturel, ce qui est en partie vrai, sans évoquer la partie travail.

Il aime se considérer comme le pont des enfants...

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