[Jour 5] Kilimanjaro Route Machame 6D : Hors de nos corps : Le glacier du zénith | Barafu Camp (4670m) - Uhuru Peak (5895m) - Mweka Camp (3060m)
- Par cpt-tibo
- Le 27/07/2019
- Dans Kilimanjaro Route Machame
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Les étoiles et leurs constellations nous offrent, comme depuis le début du trekking, un spectacle hors du temps. Il 23h30. Nous avons dormi trois heures. A minuit, Paul et Vasili semblent surpris de voir que nous sommes prêts. Eux ne le sont pas. Qu'est-ce que vous croyiez ? Notre détermination n'a pas changé. Beaucoup de groupes ont déjà prit de la hauteur. Si nous le pouvons, je suis bien décider à tous les dépasser un par un pour arriver les premier au sommet. Mais chaque chose en son temps...
0H20 - Barafu Camp
A la lueur du faisceau de lumière de nos lampes frontales, nous talonnons Paul.
Nous sommes en pleine forme, ce que notre guide ressent. D'un rythme lent, mais régulier, nous avançons, un pas après l'autre. Quentin ne s'en accommode pas vraiment et peine parfois à trouver de bons appuis, préférant avancer vite et faire des micro-pauses. Mais le rythme de Paul est roi, et nous devons, tant bien que mal, nous y accommoder.
Après seulement 45 minutes et 200m de dénivelé, nous atteignons le le Kosovo camp. Situé à l'altitude du Mont Blanc, c'est le camp le plus haut du Kili. Pour l'occuper, il faut se payer le luxe de "tentes toilettes", car il n'y a pas de toilettes aménagées. Pas question non plus de se soulager à même la montagne. Elle finirait vite en décharge.
Les groupes en tête nous donnent des objectifs réguliers à atteindre. Ils nombreux, pour la plupart, et avancent encore plus Pole Pole que nous. Certains sont des caravanes qui mettent de la musique pour se motiver... Ce que je ne tarderais pas à faire moi aussi. Si vous vous attendiez au silence absolu, on n'y est pas encore. Il nous faut environ deux heures pour tous les dépasser. A nous de mener la marche maintenant !
Si notre équilibre est régulièrement instable, l'allure est toujours bonne. Paul, constatant les foulées rapides de Quentin, suggère d'aller Haraka Haraka (plus vite). Je refuse fermement. Quentin ne disait pas non.
La température chute au fur et à mesure que nous nous élevons. L'eau du Camel Pack de Quentin a déjà gelée et l'intérieur de nos gourdes ressemble à du granita. Je gaspille quelques minutes pour enfiler une couche supplémentaire et sortir mes moufles. On ne peut pas dire que les guides apprécient les pauses. Leur devise, à prononcer comme un cri de guerre, est la suivante : "ONE DREAM... ONE TEAM !"... "TO THE TOP... NO STOP !". Je me sens un peu forcé de manger mon twix à toute berzingue, car les guides sautent sur place pour se réchauffer. Conséquence, à plus de 5000m, je m’essouffle pour rien.
C'est vers 3h du matin que ça se gâte...
Nous nous vidons progressivement de notre énergie. Notre volonté, intacte, est maintenant mise à l'épreuve par un corps mou et une tête stupide. Ils commencent, petit à petit, à répondre en différé. Le manque de sommeil (et de soleil) n'arrange rien. Plus d'une fois, j'aurais voulu m'endormir là, à 5500m, sur ce rocher... Le froid a l'avantage de nous réveiller un peu. J'ai le cœur et le souffle qui s'affolent dès que je m'agite un peu trop. Au moins, s'il nous faut parcourir 1200m de dénivelé positif, la piste en terre caillouteuse que nous empruntons est loin d'être technique.
Le manque d'oxygène produit des effets étranges. Outre les risques d’œdème pulmonaire et cérébraux qui s'amplifient à cette altitude, la fatigue se démultiplie. Tels deux poivrots saoulés par le manque d'oxygène, nous avançons en titubant. "On dirait deux bourrés", fait même remarquer un de nos guides. Quentin répond qu'il se sent hors de son corps. Même chose pour moi. On ne l'appelle pas l'ivresse des sommets pour rien.
Peut-être sommes-nous partis un peu vite. Pas si pole pole le Paul...
5H - Stella Point (5745m)
Le point de jonction de toutes les routes du Kili.
Ce 29 juin, nous sommes les premiers à l'atteindre. Ce n'est pas très joli à voir. Nous sommes comme des zombies dans The Walking Dead. J'impose une pause. A ce moment, je pense que si je ne m'arrête pas cinq minutes, je vais tout simplement tomber dans les pommes. On se fait doubler. A ce stade, nous nous voyons ravir la première place au sommet.
Après cinq heures dans le noir, nous voyons enfin se dessiner les premières lueurs de l'aube. Un mince trait de lumière orange, net et limpide, se dresse à l'infini, surplombant des nuages amassés en une couche sombre. L'horizon nous apparaît.
"JAMBO, JAMBO BWANA !" Vasili fait de son mieux pour nous motiver, car les derniers mètres sont les plus durs. A la limite de la perte de conscience, au bord de l'évanouissement, dans un état second, nous voulons en finir à tout prix. Il ne reste plus qu'une centaine de mètres de dénivelé positif.
6H20 - Uhuru Peak (5895m)
C'est fait !
Deuxième groupe du jour à parvenir au sommet du Kilimanjaro ! Ce n'est pas rien. Nous recevons les félicitations du premier groupe à l'avoir atteint, prenons les photos usuelles et essayons de récupérer. Nous y restons une demi-heure.
Le jour s'est presque entièrement levé. Les glaciers, simples et imposants se dressent au sud, encore intactes. De la glace aussi près de l'équateur, c'est un phénomène qu'on ne pourra un jour plus admirer. Derrière eux, plus à l'ouest, le Mont Meru perce les nuages et vient offrir son sommet de 4562m. Les nuage se font plus pâles, la ligne d'horizon envahit peu à peu le ciel jusqu'à se confondre avec lui. Toujours ces nuages éternels, à des distances incommensurables. Un tableau rare : le zénith du Kilimanjaro.
Aussi béat qu'abattu, j'essaye d'immortaliser du mieux que je peux cet instant unique.
Mais je suis loind de lui rendre hommage. Mon appareil, au sommet, tombe à court de batterie, et je dois me geler les mains pour le changer. L'ensemble des conditions qui font du Kilimanjaro l'épreuve redoutable qu'elle est nous a rendus étourdis, si ce n'est arriérés. Notre mémoire nous laissera ainsi difficilement des souvenirs précis de cet accomplissement, l'un des plus durs de notre vie.
Les premières tâches de soleil apparaissent sur les photos. C'est l'heure de repartir ! Je bois mon jus d'orange tout en réalisant la chance que j'ai de me trouver sur le toit de l'Afrique. Une idée qui me revigore ! Je retrouve possession de mes moyens, et ainsi, profite pleinement de la descente!! et de sa vue enchanteresse.
L'avantage de monter de nuit, c'est de découvrir ce qu'on a parcouru dans le noir.
Quentin a malheureusement plus de mal à retrouver son corps. Dommage, car c'est la partie que je trouve la plus intéressante. Je skie à moitié sur un chemin caillouteux bien tracé, à travers le désert alpin. Mis en confiance par l'ascension finale, je me permet de courir à certains endroits, ce qui ne plaît pas du tout à Paul.
8H50 - Barafu Camp
Qui a dit que la journée était finie ?
On nous accorde une heure de sommeil bien mérité avant un brunch, puis il faut repartir vers le Mweka Camp, ou Low Camp.
La descente est soutenue malgré la fatigue physique et le manque de sommeil. Le corps tient bien. Nous retrouvons les différents environnements des jours précédents. Je suis Paul comme un automate, recopiant chacun de ses pas. Cela s'avère être une bonne stratégie. A défaut d'utiliser des bâtons, elle me fait économiser mes genoux.
Vers midi, pause de 15 minutes au Millenium Camp, ou High camp. La différence d'altitude se fait nettement ressentir.
14H30 - Mweka Camp
Arrivés au dernier camp !
Nous avons vaincu le Kilimanjaro, et, par la même occasion, parcouru environ 4000m de dénivelé positif et négatif dans la même journée.
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