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Laddakh

  • 27/01 - 03/02 - Thib au Tibet [2] - Leh et la vallée de l'Indus, Ladakh

    Leh 4
    Leh est
    De tradition bouddhiste lamaïste, Le Laddakh et Leh en particulier ont accueilli un nombre impressionnant de réfugiés politiques tibétains. Les natifs tibétains peuplent majoritairement la région. Avant son appartenance à l'Inde, c'était le Tibet, d'où la dominance de son peuple, sa religion et son architecture. Les habitants ont conservé leurs traditions et leur mode de vie ancestraux. La polyandrie, par exemple, bien qu'interdite, continue d'exister dans certains foyers. Les touristes indiens qui arrivent à Leh se croient dans un autre pays tant l'environnement, le climat, la langue et le physique de ses habitants est différent. Je sais qu'il ne faut pas se fier aux apparences, mais avec leurs pommettes toutes rouges et leur air si serein, on sent qu'on peut directement leur faire confiance. Il y a toujours les éternels rabatteurs des rares magasins de textile ouverts, en particulier les vendeurs de cachemire (ici "pashmina"). Ici cependant, on met moins la pression que dans le reste du pays.

    Leh toilets
    Toilettes sauvages
    Petite précision au passage, je ne suis pas vraiment dans la région du Cachemire, contrairement à ce que je croyais au début, mais je vais quand même en ramener (enfin j'espère). Oui, je me suis laissé tenter (corrompre), par deux écharpes de cette matière si douce et fine qu'elle peut passer à travers un anneau. Je n'ai pas essayé de la brûler comme on le conseille, pour savoir si elle est croisée.

    Thiksé
    Thiksé
    Concernant les touristes indiens, c'était surprenant de voir ceux de mon auberge parler entre eux en anglais. Venant des quatre coins du pays, ils communiquent plus facilement de cette manière. En plus, ça favorise les rencontres. A noter du coup, la pire partie de président du monde. Les règles, détruites. Avant que je ne leur explique progressivement les vraies règles, c'était : pas de "ta gueule" ni de 2 dominant, des suites et la possibilité de jouer des doubles sur des simples... AAAAAH. Marrant, mais frustrant. L'indien a reconnu qu'il avait appris les règles grâce à un allemand, bourré. A la fin, j'ai récupéré la bouteille de rhum d'une fille qui rentrait d'un trekking. Tellement d'indiens au portillon qu'il m'est arrivé de me présenter plusieurs fois aux mêmes, chose assez malaisante. Ces touristes baroudeurs sont l'espèce indienne la plus patiente et tolérante qu'il m'est été donnée de rencontrer. Ceux qui galèrent le premier jour traînent pas mal dans la salle commune de l'auberge, avec ses chats, son poêle à bois et les enfants de la proprio jouant aux échecs et au hockey sur tapis. Ou bien vont au Stupa à quelques minutes. 

    Leh 5
    Yakaleh
    Comme je le disais donc, tous les jours, de nouveaux groupes d'indiens se relaient dans l'auberge. Ils ne restent qu'une nuit pour s'acclimater avant de partir pour le "Chedar Trek", une expédition d'une semaine, nuits sous tentes, sur le Zanskar, l'immense rivière gelée. Apparemment, c'est LE trek à faire en hiver. Il est archi populaire. Grâce à lui, certains hôtels et agences peuvent rester ouvertes à cette période de l'année. A force d'en entendre parler, je finissais par me dire que ça serait dommage de passer à côté. Le premier jour, j'ai rencontré un français, surexcité de croiser un de ses compatriotes. Comme tout le monde, il s'apprêtait à partir pour le Cheddar Trek, et essayait de me convaincre de le faire moi aussi. En précisant que la veille, quelqu'un est mort d'une crise cardiaque en le faisant (ce qui aurait pu arriver n'importe où). Tout compte fait, le prix (environ 25000 roupies) et les autorisations nécessaires faisaient que je n'avais ni le temps ni l'envie de dépenser une telle somme. Pour un trek que j'appendrais plus tard être un troupeau de personnes avançant sur la glace à la chaîne. Je ne désespère pas pour autant d'en trouver un qui correspond un peu mieux à mon agenda et à mon portefeuille.

    Leh 6
    Leh ouest
    Thing is... c'est pas du tout la saison. Entre mai et octobre, tout est fermé, à l'exception de quelques boutiques et restaurants de la rue principale. On ne peut même plus "redescendre en Inde" par l'unique route à flanc de montagne, une des plus hautes et meurtrières du monde, ouverte quelques mois dans l'année. Bien sur, les plus suicidaires peuvent toujours aller en Chine ou pire, au Pakistan.

    Leh 7
    Fais comme l'oiseau man !
    Il faut savoir que les régions du Jammu et Cachemire, ainsi que le Laddakh, dans une moindre mesure, sont un point de tension extrême entre l'armée indienne et pakistanaise. Régulièrement, des heurts violents ont lieu entre les deux armées. L'Inde accusant le Pakistan de soutenir ses terroristes, elle s'est permise d'envahir la région. Sous coup de propagande massive accusant son ennemi de toujours et vantant le mérite et les valeurs de son armée, elle réussit assez bien à imposer la légitimité de cette invasion. Sur place, ça se remarque rapidement. A Leh, des affiches "Nation first" et de recrutement sont collées un peu partout. Le musée de la guerre, aux abords d'un camp militaire, est une attraction touristique populaire. En plus des affiches, il y a une présence permanente de 150 000 au Ladakh... Plus de dix fois plus que la population de Leh. Rien que ça. En encore, il fut un temps où plus d'un million de soldats étaient déployés dans la grande région Jammu-Cachemire-Ladakh, à l'époque où le conflit a frôlé l'incident nucléaire. Des camps militaires s'étendent à perte de vue autour de la capitale régionale. En ville, ils ont beau être discrets, impossible de les louper. Les habitants quand à eux ont l'air aussi placides que leur "protecteurs". Le Tibet chinois, je pense que ça leur a suffi... Si vous regardez sur une carte, vous constaterez que les frontières ne sont pas clairement définies.

    Leh 8
    "I walk this empty street, on the boulevard of broken dreams"
    J'ai mis trois jours à trouver une agence ouverte. Le premier jour, grosse surprise de constater que tout était fermé sur les deux kilomètres séparant mon auberge du centre-ville. Les gars... Il n'y a presque pas de neige. Il ne fait pas si froid en journée... Restez ouvert ! Qu'est-ce que vous avez de mieux à faire ? Je devais absolument trouver de quoi faire une lessive. Sur le chemin de retour à mon hôtel, j'étais en totale euphorie, bien qu'affaibli, voire sur le point de m'évanouir.

    Shanti Guesthouse
    C'est là que j'ai rencontré Nikky et sa team à la Shanti Guesthouse
    Mon plan était de mendier leur eau. J'ai eu le droit en prime à un ptit dej à volonté, offert, et des précieux conseils. C'est devenu mon QG, où j'ai pris la plupart de mes repas.
    Deuxième jour, c'est dimanche. Je fais des recherches sur internet au préalable, qui me dit qu'au moins cinq ou six agences sont ouvertes. Que nenni ! Les locaux me le confirmaient presque tous, je ne trouverais rien à cette période. Bon. Je commençais à me dire pourquoi pas faire le périple seul. J'avais trouvé quelques itinéraires, mais rien de sûr pour les hébergements. Troisième jour, A Leh Louya, je tombe par hasard sur la petite agence Ibex Adventure. Julley ! C'est fou comme ce mot va avec tout (voir précédent périple). 

    En fin de semaine, je me lance dans la visite de deux monastères à une dizaine de kilomètres de la ville. Pour 1500 roupies (environ 20€), je peux louer un taxi à a demi-journée. 

    Thiksé Monastery
    Thiksé Monastery
    De loin, surement le plus impressionnant.

    Thiksé Monastery 2
    Au pied du monastère
    Construit au XVè siècle au sommet d'une colline rocheuse, il surplombe majestueusement la vallée. Malheureusement la plupart des temples à l'intérieur étaient fermés. Mais c'est toujours un plaisir de les visiter hors saison.  

    Thiksé Monastery 3
    Bouddha de 12m de hauteur en argile

    Shey Palace 2
    Shey Palace

    Shey Palace 3
    Vue sur le lac gelé et ses patineurs
    Ancienne capitale royale, il n'y a plus que le palais d'été sur un site à moitié en ruines.
     
    Shey Palace  4
    Shey Palace depuis le toit
    Celui-ci, il fallait jouer les acrobates pour atteindre son petit temple un peu plus haut. Je me suis arrêté à son temple et stupa principal, de 12 m de haut plaqué or.

    Shey Palace 5
    Ambiance assurée par l'humidité et la chaleur extrême des bougies et de l'encens

    Que ce soient les locaux ou les touristes indiens, j'ai rarement rencontré des gens aussi ouverts, curieux et sympathiques qu'ici. En plus, ils sont offerts avec l'Himalaya. So quoi ? Ecrasante, merveilleuse, grandiose, spectaculaire, étourdissante, éblouissante... les mots ne manquent pas pour décrire cette région qui en hiver peut sembler austère aux premiers abords. Elle l'est, mais quelle sublime austérité ! Difficile de trouver un meilleur endroit pour en finir avec l'Inde. A ce propos, le Ladakh et moi avons du mal à comprendre le lien. N'a d'indien que l'appartenance politique de cette pauvre et digne région, que trois géants s'amusent à prendre en otage.
    Little Tibet, sans conteste un de mes endroits préférés (pour le moment) sur cette planète. Rendez-vous en été la prochaine fois.

    Shey Palace 6

    Julley India

  • 30/01 - 01/02 - Paysages lunaires et dénivelés abyssaux - Le trek de la Vallée de Sham, Ladakh

    Sham Valley
    Trek de la Vallée de Sham
    Ah les paysages lunaires du Ladakh. Ces somptueuses montagnes désertiques dans lesquelles ont peut marcher plusieurs jours sans croiser personne. Pour un prix moyennement convenable car timidement négocié, je me suis offert un "baby-trek", comme disent les ladakhis. Le forfait incluait le taxi (qui prend plus de la moitié du prix à lui tout seul), les panier-repas et le guide. Au programme donc, trois jours, dont deux de marche, de Likir à Tingmosgang, pour un total d'environ 25km, avec deux nuits chez l'habitant. Je vous offre un épisode contemplatif d'une trentaine de photos. Pourtant, je les ai vraiment triées au maximum...

    Temple Ladakh
    Mon temple préféré à la fin du trek
    Mon taxi klaxonne vers 8h. Un petit bonhomme robuste et bien tassé au visage amical s'avance vers moi et me serre chaleureusement la main. C'est Karma, mon guide pour ces trois prochains jours. Son anglais était hélas assez limité. A chaque question de ma part, les trois quarts du temps sa réponse était "Ye ye ye". Le trajet était du genre : "Waouh ! Tellement de camps militaires !" - "Ye ye ye beaucoup de militaires" - "Colline magnétique ? Ca veut dire quoi ?" - "Ye ye ye colline magnétique" - "Vous pensez que les monastères sont ouverts ?" - "Ye ye ye beaucoup de monastères". Il se faisait un malin et maladroit plaisir de répéter, sans vraiment comprendre le sens de mes questions. Au bout d'un moment ça saute aux yeux, et on arrête de poser des questions. Le trajet était très silencieux, pas reposant pour autant, et le chauffeur me guidait plus que mon Karma.
    On s'est arrêté pas loin après Leh pour un chaï et un petit déjeuner dans une boulangerie locale servant de très bons gâteaux au sucre. Puis une heure et demie sur la radieuse route nationale n°1. Après moultes camps et fourgons militaires avançant au ralenti, on serpente comme jamais entre les montagnes nues et ses fracassants dénivelés. Il faut sans arrêt esquiver les rochers fraîchement éboulés sur la route. 

    Likir Monastery
    Likir depuis le monastère
    La première étape est le monastère de Likir, à partir duquel est censé commencer ce trek qui dure normalement quatre jours. Nous, on va commencer un peu plus loin. L'arrêt fut bref. Karma est parti cherché le "lama", sorte de leader spirituel du monastère, pour lui demander d'ouvrir le temple. Lama pas là. J'ai cru qu'il allait dire que je n'avais pas de karma.

    Likir Monastery 2
    Cour du monastère
    La cour, le toit et les alentours sont tout de même digne d'intérêt. Je m'attendais au moins à ce que mon guide essaye de m'expliquer les bases architecturales ou religieuses du site. Je l'ai vu prier devant l'imposante statue de Bouddha, puis retourner m'attendre dans la voiture. Pas grave. Finalement, c'était peut-être mieux d'aller à l'essentiel. Je préfère être libre que d'avoir à subir une visite lourde et mal guidée. 

    Sham Valley Trek
    Début du trek à quelques km de Likir
    Quelques trois heures de marche en plein soleil jusqu'à Yangtang. Je transpirais à grosses gouttes sous ma parka et sa capuche en fourrure. Mon dos trempé se gelait instantanément dès que je l'enlevais plus de cinq minutes. J'ai rapidement enlevé ma polaire.

    Sham Valley Trek 2
    Mini glacier
    J'avais d'emblée déclaré à Karma qu'il pouvait se permettre d'avancer vite. Lui, comme beaucoup d'autres guides, sont relativement saturés par toutes ces années de trek. Apparemment, on ne se lasse jamais de la région, de son atmosphère ou de ses habitants. A la longue, c'est le côté visite touristique qui désabuse. On est tous deux partis d'un bon pied, même si le sien était meilleur. Bah oui, j'étais le touriste idéal, pas dramatisé par la possibilité d'un trekking silencieux. En vrai, mes pieds, OK. Le rythme, plus que convenable. 

    Sham Valley Trek 3
    On se sent tout petit au milieu de ces abracadabrantesques montagnes
    Dans ce grand pays peuplé de petits hommes, c'est un sentiment nouveau pour moi. Le sentier est plus ou moins plat et tracé. Il alterne entre pentes douces et certaines plus escarpées, avant de monter beaucoup plus sèchement en zigzag. Parfois, quelques déviations pas évidentes me confortaient dans mon choix de partir accompagné. On passe sous pas mal de dômes rocheux.  

    Yangtang
    Yangtang
    Petit village pour camper avant de partir pour Hemis Shukpachan, à deux heures de marche. On l'a survolé pour emprunter, un peu dommage, un long tronçon de route pendant quelques kilomètres. Puis une étendue caillouteuse descendant tranquillement jusqu'à notre paisible destination pour la nuit.

    Hemis Shukpachan
    Hemis Shukpachan
    Trouver un "homestay" disponible a été beaucoup plus difficile que prévu. On a essuyé trois gentils refus embarrassés. Les habitants m'ont fait le coup des chambres trop sales ou pas assez bien chauffées, et du "problème" des toilettes sont locales. Sérieusement, je ressemble tant que ça à un petit bourge incapable de s'adapter à la réalité locale ? C'est surtout de la faute de Karma, qui me demandais ce que je voulais dîner, à quelle heure je voulais partir... Je veux pas qu'on me demande mon avis ! Le but de séjourner chez l'habitant, c'est de sortir de sa zone de confort. "Local", je répondais à chaque fois.

    Hemis Shukpachan 2
    "CHAH" et coups de bâtons 
    Deux gamines entreprenantes nous ont guidé chez leur grands-parents qui ont finit par nous accueillir. Un couple charmant, très serviable et respectueux. Leur petite salle à manger est au sous sol et je devais presque me coucher sur le dos pour y accéder. L'ambiance de cette petite pièce réchauffée par son poêle à bois était délectable. Par contre, ma chambre était glaciale. Il faisait aussi froid à l'intérieur qu'à l'extérieur. Après le chaï et les cookies, je suis parti seul en direction du monastère et de son couvent au sommet du village. 

    Hemis Shukpachan temple
    Temple de Hemis Sukpachan
    Comme je m'y attendais, le couvent aussi était fermé. C'était un highlight du trek. Plus tard, j'apprendrais le décès récent d'un des quelques cinquante membres du village. Comme les funérailles se déroulent à Leh, le lama est parti y assister, emportant avec lui avec les clefs du monastère. Je veux bien croire en la bonne foi de l'agence qui m'avait vendu ce couvent comme une expérience inoubliable. Même si le "L'hiver c'est top y a pas un seul touriste" s'est transformé en chemin en "L'hiver c'est vraiment pas la meilleure saison". Pour moi, cette saison a définitivement ses avantages.

    Hemis Shukpachan 3
    Rencontre surprenante d'un handicapé mental attachant, dans tous les sens du terme
    Il piquait sans arrêt des fous rires stridents. Les locaux étaient amusés que je m'intéresse à lui en retour. Je n'ai pas réussi à en tirer un mot. C'est mon "nouvel ami" selon Karma. Arrivé au homestay, il a demandé à la petite fille de l'homestay de s'en occuper. Je pensais alors que c'était l'idiot du village dont tout le monde "prenait soin". Un peu plus tard, alors que que je tentais de survivre sous trois couvertures, dans ma chambre se réchauffant progressivement, j'entends son rire à travers la fenêtre. Le courant était coupé. Seule la lumière d'une petite bougie éclairait faiblement la pièce. J'étais sûr qu'il m'observait (et qu'il était complètement inoffensif). Tout d'un coup, il entre carrément dans la chambre et se tient devant moi, me fixant en rigolant... Je le fais partir, pas méchamment mais pas gentiment non plus. Karma m'appelle pour manger deux minutes plus tard. "I see retarded people" lui dis-je comme à Bruce Willis (réa indien au passage). Il a beau ne pas faire de mal à une mouche, on ne sait jamais ce qui peut l'intéresser dans mes affaires. Et puis qu'est-ce qu'il fout ici ?

    Hemis Shukpachan 4
    Dîner
    On a mangé tous ensemble. En fait, c'est le petit-fils de mes hôtes. Le repas était vraiment captivant. J'ai été bien servi. Des mok-mok, raviolis locaux, à volonté. J'ai adoré l'ambiance feu de poêle de ce petit nid douillet. Parfois, la gêne de mes hôtes occasionnée par certains passages à vide de leur petit-fils était évidente. Quand le grand papa m'a montré sa carte affichant fièrement "guesthouse", puis demandé mon avis sur l'appellation de son hébergement, je lui ai répondu que la maison d'hôte, ça sonnait un peu plus "pro" et "business" que le séjour chez l'habitant. Il a semblé un peu déçu.

    Hemis Shukpachan 5
    J'ai des frissons quand je regarde cette photo
    Je n'ai pas eu le courage de me lever plusieurs fois pour alimenter le feu du poêle, préférant à la place étouffer sous toutes ces couvertures. J'ai dû attendre que mon guide se réveille quelques temps après l'heure qu'il avait fixée pour le départ. A partir de là, j'ai définitivement arrêté d'attendre quelque chose de lui.

    Sham Valley Trek 5
    Journée sans soleil

    Quelle magnifique randonnée jusqu'à Tingmosgang. Il faut à environ quatre heures pour parcourir 11km, et c'est déjà la dernière étape. Elle monte beaucoup plus que la précédente.

    Sham Valley Trek 4
    Très végétatif en comparaison du reste
    Un moment, Karma a imposé une pause. Réaliste et honorable pour un guide. Je me dis que la plupart auraient forcé le trek jusqu'à dépasser leurs limites, ou trépasser.

    Sham Valley Trek 6
    Au final, on s'élève seulement quelques centaines de mètres, dont chacun d'entre eux n'est qu'un grain de poussière au milieu de cette vallée abyssale

    Ang
    A la moitié du parcours, on arrive à Ang

    Sham Valley Trek 7
    Suivez le guide
    Un minuscule village après lequel le chemin tracé s'arrête brusquement. Il laisse place à un dénivelé rocheux qui met les pieds à l'épreuve. Sans doute la meilleur partie de la vallée.

    Sham Valley Trek 8
    Hmmm, ces roches multicolores

    Tingmosgang
    L'habitante de la Yak Guesthouse
    Tingmosgang. Le homestay n'était pas non plus évident à trouver. Il s'agit plus d'une chambre d'hôte cette fois-ci, mais toujours avec cette petite salle à manger. Même accueil chaï-leureux, même chambre glaciale, mêmes toilettes à l'indienne. Je laisse mes affaires et fonce au monastère en espérant qu'il soit ouvert.

    Tingmosgang 2
    Cour du Monastère de Tingmosgang
    Des salles de prières et quelques temples étaient ouverts. Prend ça Karma ! Des moines et quelques moinillons présents dans la cour. Un de ces moines que je soupçonne être le lama s'exprimait dans un anglais excellent. Deux-trois touristes indiens. 

    Tingmosgang 3
    Route du monastère
    Des fortifications autour de ce monastère bancalement accroché à la falaise.
    En descendant, j'ai raté le chemin et improvisé sur une descente caillouteuse archi abrupte. Je suis arrivé dans un jardin. Julley !

    Tingmosgang 4
    Brassage du thé
    J'ai passé toute la fin d'après-midi à lire dans la chaleur de la salle à manger, pendant que la maîtresse de maison roulait de la farine pour préparer les "chapatis". Notre hôte lui brassait le "thé salé", une spécialité que les locaux raffolent.

    Tingmosgang 5
    Moulinets de prière et casse dalle d'après-midi
    Au dîner, potage de légume triple portion. Goûteux. Je me réconcilie un peu avec Karma, qui semble mieux comprendre mon anglais ce soir-là. Je me souviens d'une conversation sur la mobilité sociale. Il me disait "Rend tes parents fiers en faisant comme eux". Je lui faisait comprendre qu'en France, c'est pas aussi simple (marre de toujours tout nuancer). Notre mentalité veut qu'on ait plus d'honneur à trouver notre propre voie plutôt que de subir son destin, chose pas toujours évidente. Ses parents sont, comme beaucoup ici, des réfugiés tibétains (Même si la plupart le sont depuis des générations).

    Sham Valley Trek 9
    Je suis tellement mystérieux


    A 9h le lendemain, le taxi revient pour une dernière journée dans les temples et monastères avoisinants. 

    Sham Valley Temple
    A quelques kilomètres de Tingmosgang, ce temple était d'une finesse

    Sham Valley Temple 2
    Une salle de prière était ouverte
    Il est tout neuf. Un minuscule temple plus ancien le surplombe, accessible après de nombreuses marches. Karma m'explique enfin que "Tout est fermé car tout le monde est à Leh". Sauf qu'à Leh aussi tout est fermé... Il a encore essayé de me prendre en photo, mais ça n'a pas donné grand chose.

    Sham Valley Temple 3
    Stupas du temple

    Alchi Monastery
    Entrée du Monastère d'Alchi
    Arrive le "11th Century Temple". Comme son nom l'indique, un temple du 11e siècle en l'état.
    Le lama était là. Pas fâché, il a ouvert la serrure pour la découverte d'un temple d'un autre temps. L'odeur des vieilles peintures murales prend immédiatement aux narines. Une multitude de petits bouddhas décorent les murs autour de fresques sacrément épiques. Au centre, des idoles dont le grain se détachait à moitié. Evidemment, les photos sont proscrites. Un tout petit temple. Le site regorge de mystères.

    Sham Valley Temple 4
    Il ira loin

    Indus Ladakh
    Des passages étroits débouchent jusqu'à l'Indus, le roi des fleuves, que je vois enfin, par hasard

    En me relisant, je réalise que j'ai pas mal critiqué. C'est vrai, certaines conditions n'étaient pas idéales. Même si ce post est rédigé deux semaines après le trek, j'essaye de retranscrire au mieux mon état d'esprit sur le moment. Croyez-moi, dans l'ensemble, j'ai adoré le faire. La beauté himalayenne surpasse toutes les désagréments que j'ai pu rencontrer. Le Ladakh vaut à lui seul mille villes indiennes (ce qui ne veut rien dire). Les superlataxatifs sont impuissants, voire inutiles, face à cette grandiose expérience. A prendre comme vous voulez.

  • 27/01 - 03/02 - Thib au Tibet [1] - Leh, Ladakh

    Julley ! Ce simple mot, qui veut dire à la fois bonjour, au revoir et merci, suffit à s'attirer les faveurs du peuple. Même pas besoin de parler ladakhi. A utiliser sans modération !  

    Leh
    Leh
    Au Kerala, je croyais avoir définitivement stoppé la course du temps. Le Ladakh est à un tout autre niveau. Je n'ai jamais rien vu d'aussi majestueux que cette région aux sommets immenses et aux petits villages perdus dans les vallées sèches et désertiques. Au calme écrasant de l'Himalaya se mêle la splendeur du style architectural tibétain, grandiose et apaisant. Sans exagérer, chaque monastère, stupa, ou maison, blanche et fenêtres dorées, est une merveille que je n'imaginais voir que dans les films et les livres. Les arbres, à mon image (grands, fins et secs), bordent ces rues quasi désertes où les chiens et les vaches semblent enfin vivre décemment. Sous un soleil de plomb, quelques timides étendues de neige et des arbres nus rappellent la saison. Quand je vois ce qui tombe en France, je me dis que la neige continue de m'éviter. Les locaux disent que la région est encore plus sublime en été, lorsque les abricotiers retrouvent leurs couleurs et leurs fruits. Attendez-moi...

    140
    Aperçu de l'Himalaya
    Leh, à 3500m d'altitude, est la porte d'entrée du Ladakh, et mon camp de base pour cette semaine. Quitté Delhi à 6h du matin, je n'avais pas dormi depuis presque 24h. La veille, je voulais absolument avoir une place côté fenêtre droit dans l'avion, pour voir se dessiner l'Himalaya au lever du soleil, quitte à payer pour ça. Sauf qu'en ligne plus rien n'était disponible. Après coup, tant mieux, car il suffisait de demander à l'enregistrement pour l'avoir gratuitement. J'étais du côté gauche, mais c'est déjà ça.

    Vallée de l'Indus
    La Vallée de l'Indus
    L'atterrissage à Leh, dans l'immense Vallée de L'Indus, est impressionnant. Il secoue un peu car la piste n'est pas en bitume, en plus d'être courte. Les taxis sont des minibus archi confortables qui roulent pépères. Aucun tuk-tuk. Aucun deux-roues. Aucun klaxon. Mon cerveau en manque de sommeil et d'oxygène était en ébullition. Passer de villes comme Agra et Delhi à ce "Petit Tibet" était une bénédiction. Je n'arrivais plus à m'arrêter. Résultat, j'ai dormi presque 20h d'affilé.
    La température moyenne en journée est de -2°C. Froid, certes, mais pas tant que ça. Le soleil ne quitte jamais la région. Leh n'enregistre que quelques jours sans soleil par an. La nuit, l'absence d'éclairage est largement compensé par une lune et des étoiles cinglantes. Il fait alors beaucoup plus froid. Genre -20°C. Le dernier jour, après une bouffe au centre ville, je suis rentré en pleine nuit sur une route magnifiquement éclairée par la pleine lune, dans un calme infini. Seuls quelques chiens, surpris et apeurés par un grand gaillard à l'allure vive.

    Leh Ecology Hostel
    Vue télescopique de l'Ecology Hostel depuis le Shanti Stupa
    Ma grande auberge, complètement excentrée du centre-ville, possède une multitude de petits dortoirs de deux lits. Je me suis retrouvé avec le seul européen du coin : un vieux hongrois barbu, taciturne, à Leh depuis 6 semaines pour des recherches historiques. Malgré son omniprésence dans la chambre, avec son don pour le roi du silence, c'était comme si j'étais seul. Son réchaud, ses provisions et ses affaires de baroudeur décoraient les meubles de la chambre. Il aurait pu survivre des semaines sans la quitter, facile. Il est parti deux jours à Mumbai en milieu de semaine pour revenir ensuite. Pile quand je suis revenu moi aussi de mon trek. Il y avait peut-être cinq chambres de libre, mais il fallait qu'on soit ensemble. 
    Sur Booking, l'auberge s'annonce à 600m du centre ville. C'est peut-être le cas en été, mais en attendant ce fameux centre-ville n'a qu'une seule et unique rue animée. Il faut donc marcher un peu plus de deux kilomètres pour atteindre cette gigantesque rue et le "Marché des réfugiés tibétains".

    Leh Main Bazar Street
    Main Bazar Street
    Quelle rue ! Seules quelques banques, petits restaurants, boutiques de souvenir, de textile et magasins de fruits secs sont ouvert. Se perdre dans les petites rues autour de la "Main Bazar Street" est presque impératif. L'hiver a cette atmosphère de tranquillité et de proximité avec les habitants. Les ladakhis savent prendre leur temps, car il n'y a pas grand chose d'autre à faire. Comme les ours, l'été, ils font leur réserves de gains et de provisions, puis hibernent "quand viennent les premières neiges". Qu’est-ce que ça change du reste de l'Inde, où il faut se battre pour garder sa place dans les files d'attente. A Delhi en particulier, les gens n'hésitent pas à te doubler au moindre relâchement. Ici, tout ce qu'il y a, c'est de la place et du temps. On croise très peu de touristes, ce qui est un peu problématique pour les habitants qui vivent pour la plupart grâce à cette activité.

    Leh Main Bazar Street 2
    Des vieilles dames, assises par terre, vendent les légumes de leur jardin tout en tricotant des vêtements en laine, toujours le sourire au visage
    Je voulais acheter trois gros navets à l'une d'entre elles pour nourrir les vaches. A la place, j'en ai eu trois kilos selon la balance de Roberval. Julley ! Pour 50 roupies, ça ne se discute même pas. 

    Leh Shanti Stupa
    Finesse
    Mon restaurant préféré à Leh : Red Sauce. Excellent et diversifié, on peut manger jusqu'à mexicain dans ce grand bouis bouis perdu dans les petites rues adjacentes à la rue principale. Bonne découverte ou plutôt bon jeu de piste, avec leurs nombreuses affiches collées partout dans la ville, insistant sur le fait qu'il sont ouvert toute l'année. J'ai appris qu'il y a une Alliance française (la plus haute du monde) avec une bibliothèque. Je ne l'ai malheureusement pas trouvée. Ca aurait une bonne occasion d'échanger mon seul livre ("Persévérer", Jean-Louis-Etienne, super bouquin que j'ai dévoré). D'ailleurs, j'ai trouvé un "café lecture" qui sert d'excellents cookies.

    Leh Palace
    Le Palais de Leh domine le côté est de la ville

    Leh Palace 2
    Il est en restauration depuis des années, plein de trous et de cul-de-sac obscurs

    Leh ChokhankVihara
    Chokhang Vihara Temple
    En plein centre du centre, ce temple est toujours archi plein, aussi bien le matin que le soir. Des hauts parleurs diffusent en continu des chants perchés.

    Leh Ecology Hostel 2
    Ecology Hostel vu depuis la route
    Il se sont pas foulés pour le nom. Comme vous l'aurez compris, mon auberge est écolo. La douche se fait au sceau. Les canalisations étant gelées en hiver, c'est le cas de la plupart des établissement à Leh. Sauf qu'ici, l'eau chaude est illimitée et instantanée. Grâce à un astucieux système, l'eau qu'on verse dans la bouteille de gauche sort instantanément brûlante de l'autre côté. On est à deux minutes de la rivière, donc on se douche avec autant de sceaux qu'on veut sans culpabiliser. Mon niveau de courage était d'une tous les trois jours. Sans regrets, car l'effet sauna de cette douche à l'ancienne la rend tellement satisfaisante. La "salle de bain" étant à moitié à l'extérieur, il faut se sécher en deux secondes sous peine de geler sur place.

    Leh Ecology Hostel 3
    Le faiseur de douches

    On comprend mieux l'orientation écolo quand on sait que l'établissement appartient à une association pour le maintien du développement durable. Leh est un exemple en la matière. Peut-être une des seules villes d'Inde avec une poubelle à chaque coin de rue.
    La journée, l'électricité et la Wi-Fi ne fonctionnent pas. Vu qu'ils tournent aux panneaux solaires, je les accuse de couper volontairement le courant pour faire des économies. C'est assez évident quand on voit qu'il y a en permanence du jus dans la salle commune.

    Leh Ecology Hostel 4
    La salle commune
    Ecology hostel, honnêtement, c'est loin d'être un choix. Je me serais volontiers épargné le manque de confort dû aux ressources limitées de l'auberge. Mais grâce à ma fâcheuse tendance à réserver mes hébergements au dernier moment, il n'y avait plus que cette auberge de disponible. Et puis, à 300 roupies la nuit (environ 4 euros), ça me laisse de la marge pour d'autres activités. Petit dej et repas inclus ==> 3000 roupies la semaine (un peu plus de 30€). Je ne me simplifie pas la vie, mais ça vaut le coup. En plus, on dort bien. Le chauffage fonctionne la nuit, et c'est le calme absolu. Après quelques semaines dans les grandes villes indiennes, un calme si plat est légèrement perturbant au début. Presque bruyant. Beaucoup d'indiens qui ont vécu toute leur vie dans le vacarme ambiant de la ville disent que le bruit finit par leur manquer quand ils la quittent. Moi, ça ne me manque pas du tout.
    Les toilettes, je ne préfère pas en parler.

    Leh Ecology Hostel 5
    Regardez par vous même
    Heureusement qu'il y avait une chaise trouée, quand on est obligé d'y aller plusieurs fois de suite, pendant longtemps... OK, cette fois-ci, promis j'arrête. Fallait me dire aussi de pas manger comme un gros juste avant d'aller en altitude ! D'ailleurs il est où le rapport entre la digestion et le manque d'oxygène ? Aussi, question de bon sens, mettez une poubelle dans les toilettes si vous voulez qu'elles restent écolos. Sinon, il n'est pas étonnant d'être K.O les deux premiers jours à l'arrivée, lorsqu'on est pas habitué à l'altitude. Moi, j'étais nauséeux, je sentais ma gorge et ma tête me brûler, mais mon état psychologique était tel que ça n'avait aucune importance. J'étais au paradis.

    Ladakh
    Drapeaux à prière
    Rien de plus cool que de traîner autour de la ville. On ne marche pas deux minutes sans tomber sur un témoignage bouddhiste. Les plus fréquents sont les drapeaux à prière, disséminés partout dans la région. Chaque couleur représente un élément. Les ladakhis écrivent des prières dessus avant de les accrocher en guirlandes. Grâce au vent, ils débitent des prières continuelles.

    Leh 2
    Grand moulin à prière à Leh
    Même chose pour les moulins à prière. On peut les faire tourner (dans le sens des aiguilles d'une montre). Chaque tour, une aiguille vient taper une cloche.

    Ladakh 2
    Petits moulins à prière 

    Des moulins plus petits sont présents en masse tout autour des monastères. Les locaux les font tourner presque mécaniquement à chaque passage. Ceux-là ne produisent pas de son, mais autant de prières qu'ils font de tours. Le pragmatisme religieux des bouddhistes est vraiment stupéfiant. 

    Shey Palace
    Stupas du Palais de Shey
    Il y aussi les "chortens", ou "stupas". De base ronde ou carré, leur extrémités sont généralement dorées. A contourner dans le sens des aiguilles d'une montre, si on veut réduire le temps d'accès au nirvana après toutes nos réincarnations.
    Et bien sûr, chaque village est dominé par son monastère (gompa) s'accrochant à la montagne, depuis lequel on a une vue d'ensemble sur la vallée. Parfois de pair avec le palais.

    Leh Shanti Stupa 2
    Shanti Stupa
    Le Shanti Stupa, à une centaine de mètres de l'auberge, surplombe la partie ouest de Leh. On peut l'atteindre soit en gravissant des marches abruptes sur la montagne, soit en continuant sur la route de l'auberge.

    Leh Shanti Stupa 3
    Inauguré par le Dalai Lama en 1985, il symbolise la paix dans le monde et l'alliance entre le Ladakh et le Japon

    Leh 3
    C'est loin d'être fini...