Lac Khovsgol
-
29/03 - Bergers endurcis : "Inggit" [Jour 6]
- Par cpt-tibo
- Le 15/04/2018
- Dans Lac Khovsgol
- 2 commentaires
MAMA'S FARM, HATGAL, MONGOLIA
27/03
French horseman in Mongolia
Le matin, Khalid a laissé un bébé yak s'échapper avec sa mère. Ils se sont empressés d'aller rejoindre le reste du troupeau en chemin pour les derniers pâturages. Pendant que Khalid négociait le cheval avec Mama pour le rattraper, j'ai couru avant de m'étaler en avant cinquante mètres plus loin. Nous avons largement contourné les heureux évadés puis commencé une interminable chasse au veau. Le petit nous glissait sans arrêt entre les doigts. La mère était plus docile. Son petit suivant, nous l'avons reconduite à la la baguette jusqu'à la case départ. "Gooood"
French horseman in MongoliaLe cheval nous était acquis. Débutants que nous sommes, il suivait assez peu nos directives. Pas de problème pour rentrer les bêtes ou aller à la rivière pour boire de l'eau. En revanche, sortir de ses sentiers battus ou poser dix secondes pour une photo ne rentraient pas dans ses mords. Son impassibilité était à toute épreuve. Pas facile d'être un cheval en Mongolie.
Après le café post tétée, je suis parti pour la colline nord, la plus longue et la plus haute des environs.
On pouvait voir tout Hatgal, des steppes et d'autres collines à perte de vue. Un bûcher était installé sur le point le plus haut.
Je suis rentré à la ferme par la crête des collines de l'est
Troupeau de chèvres
Des chèvres assez braves pour sauter ou passer en dessous l'enclos jusqu'à la réserve de foin du cheval, avant de rentrer la queue entre les pattes.A mon retour, au milieu de l'enclos vide, j'ai essayé de bouger le cadavre d'un chèvre que je croyais être une imperturbable bronzeuse. Personne ne sait vraiment comment elle est morte. Beaucoup d'incompréhensions demeurent, notamment l'utilité des chèvres et des moutons. Mama fait occasionnellement du fromage de chèvre, et le régime alimentaire était uniquement constitué de yak. Nous n'avons pas participé ni assisté a un abattage de chèvre ou de yak. Deux sacs remplis de viande de yak dans la réserve me laissaient croire que nous étions tombés sur le mois du yak. Spartacus respirait encore le dernier jour. Bilan de la semaine : deux décès, aucune naissance.
Mama's farmComment fait Mama pour payer le cable et son abonnement téléphonique, acheter du sucre, de la farine ou du chocolat ? Elle a sorti une fois son porte monnaie en rigolant. Il ne restait que quelques billets de 1000 tugriks, autrement dit environ 1€. Peut-être échange-t-elle de la viande ou du lait au marché de Hatgal, ou compte-t-elle sur les amis et la famille... L'autosuffisance n'est certes pas totale, mais largement possible, et pratiquée dans sa majorité : terre, eau, électricité, nourriture, chauffage...
Brebis galeuses domptéesNotre dernier job de berger s'est déroulé sans ennui. Les chèvres étaient un plus hautes sur la colline, les yaks toujours aussi loin dans la vallée, mais plus rien de bien inquiétant pour nous désormais.
Notre famille mongole préféréeNous sommes restés six jours au lieu des dix prévus à la base. Megan et Agathe m'avaient garanti qu'une semaine était plus que suffisante. Moi qui avait prévu de rester seul pendant dix jours, j'étais enchanté d'avoir un poto sûr avec qui partager cette expérience hors du commun. Si la communication était vraiment possible et l'eau plus accessible, nous serions volontiers restés plus longtemps.
Bûcherons aguéris
Dernier soir à la fermeDépart après le petit déjeuner du lendemain matin. Les adieux étaient chaleureux. Mama avait l'air un peu émue. Elle nous a sorti la gamme complète de son lexique anglophone et francophone : "Byye", "Niiice", "Goood", "Yeees", "Meeerci"...
Déjà nostalgiques mais avides de douche, nous avons prit le chemin de Hatgal, pour une dernière marche d'une dizaine de kilomètres à travers les merveilleuses steppes du Lac Khovsgol, en écoutant la bande son du Seigneur des Anneaux.Voilà, ou comme disent les mongols : Inggit !
-
28/03 - Responsabilités hivernales : "Tenger" - Mongolian Sheperd [Jour 5]
- Par cpt-tibo
- Le 14/04/2018
- Dans Lac Khovsgol
- 0 commentaire
MAMA'S FARM, HATGAL, MONGOLIA
27/03
тэнгэр, цас, аз жаргалLa veille, Mama montrait le ciel de ses mains, cherchant à signfier quelque chose. Spartacus refusait une fois de plus de donner son lait, et Bouteille avait l'air plus abattu que jamais. Nous cherchions le lien entre le ciel et la mort du nouveau né, qu'elle mimait en continuant de bien se marrer. "Tenger", le ciel, étant à la base des croyances du bouddhisme mongol, j'imputais logiquement l'attitude de Spartacus aux aléas du temps, ou peut-être l'inverse. Le matin, tout était plus clair. Mama voulait tout simplement dire qu'il allait neiger. Le paysage a complètement changé, pour une demi-journée...
Harmonie hivernaleOn nous a demandé de conduire les yaks dans une autre direction. Etre berger en Mongolie ne s'improvise pas. Il faut sélectionner des pâturages adaptés en fonction des saisons et des besoins de chaque type de troupeaux. Les yaks savaient heureusement où aller.
Aucune différence pour les bêtesTindu, le jeune de 17 ans (mais qui en fait beaucoup plus), voulait qu'on le rejoigne à deux kilomètres de la ferme en suivant les traces de sa moto. Mais avant, coffee time ! Si le travail était plus important, le confort augmentait lui aussi sensiblement. Notre "Capfé" en poudre est devenu un rituel après la tétée du matin. Mama le préparait toute seule à la fin pour pouvoir également profiter de son bol. Pour elle, le café semblait appeler la sieste. Elle nous gavait sans arrêt de thé et de gâteaux, qui n'arrêtaient pas de devenir meilleurs. J'arrivais à manger son fromage de chèvre dur comme la pierre en le suçotant. Un délicieux pâté en croûte est apparu le dernier jour. Nous avons aussi découvert France 24 sur le câble mongol, pour apprendre l'attentat de Trèbes. Il nous a fallu cinq jours pour comprendre que la vaisselle n'était pas auto nettoyante.
La neige a fondu à une vitesse affolanteNous avons suivi des traces à moitié effacées pour arriver dans un chantier de troncs et de poutres en bois organisées en rond. Tindu et son père nous ont expliqué qu'il s'agira de la ferme du jeune. Il recevra les bébés chèvres de son père, peut-être à sa majorité. Quand il nous parlait de construire une yourte au milieu du domaine, nous n'imaginions pas qu'elle serait construite, montée, finie deux jours plus tard. Ils sont partis à Hatgal chercher les pièces nécessaires à sa construction.
Mongolian carpentersPendant deux heures, nous avons fixé des poutres tout en apprenant sur le tas le schéma de base de l'enclos. Le Vieux donnait des instructions improvisées en utilisant ce qu'on trouvait sous la main. Son fils ne manquait pas une occasion de montrer sa force en soulevant seul des troncs d'arbre. La palissade de l'enclos semblaient un peu bancale, en raison d'un bois abimé ou de fixations nouées avec du fil de fer rouillé.
Un résultat satisfaisant
Le Vieux adorait les photosMongol style. Chaque outil, morceau de bois ou de fer avait déjà été utilisé. La clôture a vite fait de prendre forme. Travailler de nos mains dans ce superbe cadre était véritablement gratifiant.
Les chèvres allaient vraiment partoutPlus de travail signifie également plus de responsabilités. Mama, voyant que l'on avait saisi les principaux rudiments du métier, n'a pas hésité à nous confier la responsabilité entière du troupeau ce soir là. Elle est partie chercher en cheval des mères yaks égarées, ce que nous ne savions pas encore. Nous étions à la merci de la bonne interprétation de ses directives. La nuit tombant, nous avons rentré les chèvres qui attendaient gentiment autour de l'enclos. Des HOK et des lancers de pierre nous ont fait économiser une escapade sur la colline pour les plus perchées.
m
Encore une fois, ramener les chèvres était beaucoup plus facile que nous l'imaginionsAu tour des yaks, ensuite, au fond de la vallée ouest. Nous avons prit la bonne décision, car Mama est arrivée à l'heure où rentrer l'intégralité du troupeau aurait été difficile, peut-être ingérable en pleine nuit.
Braves bêtesElle était ravie. Plus tard, Bayardalai nous a dit au téléphone qu'elle saluait notre utilité et qu'elle était très satisfaite de notre implication. Nous la comprenions de mieux en mieux. Sous son air sévère se cache une femme pleine d'humour à la patience et au courage inébranlable. Nous avons pris un substantif pour fêter ça. Ce fut la soirée la plus reposante (malgré la toux de Mama), car Tindu et le Vieux étaient à Hatgal pour la yourte et Pile électrique dormait chez quelqu'un d'autre. Un lit pour l'un et le droit de s'étendre sur la sol sans risque de coups pour l'autre.
"Tenger"
-
27/03 - Tempête à la ferme : "Oooohh oh oh" - Mongolian Sheperd [Jour 4]
- Par cpt-tibo
- Le 14/04/2018
- Dans Lac Khovsgol
- 0 commentaire
MAMA'S FARM, HATGAL, MONGOLIA
27/03
Tandis que le soleil finissait de dissiper les nuages, le vent s'est levé d'une force équivalente à une tempête en France. Si seulement nous avions pu le calmer comme le cheval avec un : "Oooohh oh oh"...
Colline sudDans la vallée, les rafales nous faisaient faire des écarts. Nous nous demandions comment les garçons faisaient pour ne pas s'envoler. Ils nous avaient suivi jusqu'à la rivière, pour le grand desarroi de Khalid qui s'est vu faucher son tour à cheval. Mama avait profité de notre expédition sur la colline sud pour nous demander d'abreuver le cheval. Quinze minutes plus tard, elle nous a demandé de ramener ses petits fils.
Vue sur la vallée à l'ouest de la fermeDu haut de la colline, j'avais parfois les joues qui battaient comme en chute libre. J'aurais pu me laisser tomber de la falaise et rester collé à sa paroi tant le vent nous en voulait. Sa vue valait largement l'expédition. Elle nous a prit environ une demi-heure depuis la rivière. Nous avons savouré des cookies et les dernières pommes à l'abri du vent derrière un rocher.
Périple en Mustang 150Au retour à la ferme, alors que Khalid regardait un film, je me suis fait embarquer par Tindu jusqu'à sa ferme, pour ce que je croyais être un petit tour rapide à moto. A trois dessus avec Pile Electrique, il n'a pas hésité à traverser la rivière gelée. J'ai du descendre pour pousser la moto qui était bloquée dans la glace à moitié fondue.
On a prit des photos, rentré leurs yaks, bu un thé puis joué au "poker mongol président"Tindu m'a offert un oiseau sculpté dans du bois après m'avoir restitué mon jeu de cartes. Ils étaient passionnés par mon appareil photo et m'ont fait promettre de leur envoyer les photos, bien qu'ils n'aient ni internet ni smartphone.
Timit rendait fou ses frères qui n'arrêtaient pas de lui dire de descendre du chevalJe n'arrivais pas à leur faire comprendre qu'il fallait que je rentre prévenir mon pote, qui me croyait perdu, voire pire. De son côté, il avait demandé à toute la famille où j'étais, mais c'était à peine s'ils se souvenaient de mon prénom.
Rentrée des yaks le lendemainNous n'étions pas au bout de notre peine. Je suis rentré un peu avant la nuit, à l'heure du retour des troupeaux. Ils avaient fait rentrer les chèvres, mais les yaks étaient un peu plus capricieux que d'habitude, et pas encore en vue. Khalid est parti les chercher en cheval, pendant que je rentrais les petits après la têtée avec Mama. Le troupeau qui était introuvable a fini par rentrer tout seul, alors que j'escaladais la colline en urgence, pour rien, et que Khalid rendait le cheval à une Mama un peu énervée, pour sa plus grande surprise. Elle a finit de les raccompagner de nuit, puis s'est bien marrée devant les excuses de Khalid qui s'était imaginé responsable de la perte d'une quarantaine de yaks.
De justesseMama peut s'énerver tout en rigolant, mais ne garde jamais de rancune. Juste après le "drame", le Vieux avait l'air de dire à Khalid "T'inquiètes elle est folle celle-là !". Si Mama est capable de gérer toute seule la ferme, le travail est souvent partagé par les membres de la famille. Ceux qui restent dormir participent plus activement aux tâches de la vie quotidienne : bétail, ménage et repas.
Autre partie de la famille le premier jourCette nuit était sûrement la plus rude pour moi. Je dormais entre Khalid et Pile électrique. Je me suis fait frapper et envahir petit à petit jusqu'à finir entre deux tapis de sol, avant de rabattre Khalid sur le côté du lit du Vieux.
La lune avait créé un faisceau de lumière chassant tout les nuages présents dans son anneau.
"Oooohh oh oh" les nuages !
-
26/03 - Berger en Mongolie : "HOK" - Mongolian Sheperd [Jour 3]
- Par cpt-tibo
- Le 13/04/2018
- Dans Lac Khovsgol
- 0 commentaire
MAMA'S FARM, HATGAL, MONGOLIA
26/03
Réveil 8h, Mama avait déjà fini de préparer la marmite de thé au lait de yak. J'ai vu un os de yak à l'intérieur. Nous avons profité d'un petit déjeuner avant la traite. Khalid commençait à s'habituer, voire apprécier le thé et les gâteaux de Mama. Pour moi, c'était au moins trois bols. Et sans culpabiliser, car nous avons remarqué la réserve de gâteaux dans une boîte en carton de vodka.
MamaNous nous sommes aussi rendus compte que les repas dépendaient de la faim de Mama. En ce lundi , il n'y a pas eu l'habituel marmite de pâtes au yak. Les gâteaux devaient nous alimenter toute la journée, mais c'était sans compter sur nos provisions massives de barres, gâteaux, bonbons et chips (et le chocolat de ma Mama). J'étais tellement content d'avoir croisé ces deux françaises un mois plus tôt. Nous partagions parfois nos provisions avec la famille, quand nous ne sortions pas pour les manger. Mama résistait assez bien à la deuxième bouteille de vodka, ouverte et posée sur la table pour qui voulait en boire.
Nuage de chèvre à l'horizon
Poto bergerLa communication était loin d'être évidente, ce qui ne nous empêchait pas de mieux en mieux nous intégrer. Nous leur reconnaissons volontiers un don pour la patience. J'ai renversé mon bol de thé brûlant sur le tapis le premier jour, mangé des offrandes sous le portrait de son mari décédé en milieu de semaine. Mama s'est marée à chaque fois. Peut-être car je ne savais pas, ou, comme l'a dit Khalid, ça ne l'a pas dérangé car son mari était d'une nature généreuse.
Spartacus et son cadavre de fils, tentative de traiteIl n'y a rien qui ne fasse pas rire Mama. A la mort d'un bébé yak chétif qui avait été mis à l'écart des jours durant, elle nous expliquait en rigolant que c'était la raison pour laquelle la mère, Spartacus, refusait de donner son lait (ce qui ne nous avait pas échappé). Elle nous a demandé de sortir le cadavre du petit, que Spartacus a léché pour essayer de le réveiller, pendant que Mama essayait de la traire, sans succès. Son autre fils, Bouteille (il avait une bouteille accrochée au museau pour l'empêcher de traire afin de garder suffisamment de lait pour le bébé chétif) a perdu un frère mais regagné le droit de téter sa mère - et perdu sa bouteille ce jour là - Spartacus refusait dans tous les cas de lui donner son lait. Elle n'écoutait plus rien et nous a inquiétés plus d'une fois avec des mouvements dangereux, d'où le nom de Spartacus. A l'inverse du Thrace, on se disait qu'elle allait sûrement bientôt finir dans nos assiettes.
Photo de famille 2Mama était la plus expressive. Si ses attentes n'étaient jamais très claires, elle signait bien l'essentiel. Le Vieux quant à lui se a jouait muet, en faisant des gestes lents et calmes, et maniait le "OK" comme personne. Les autres se contentaient de répéter le même mot en espérant une illumination de notre part. On ne pouvait pas les blâmer. Ils avaient beau nous apprendre dix fois de suite le même mot en mongol (sans exagérer), on l'oubliait aussitôt. Il faut dire que cette langue altaïque à la croisée du russe, du chinois et du turc, est particulièrement incompréhensible pour des oreilles non avisées. De leur côté, l'apprentissage de l'anglais semblait au moins aussi rude.
On aurait bien aimé retenir son nom
RivièreLes temps libres après la traite étaient réguliers. Nous passions le temps comme nous le pouvions : jeux de carte - même en Mongolie ils connaissent le président -, lecture des Naufragés de l'Ile Tromelin, coupage de bois ou expéditions sur les collines. Nous nous sommes arrêtés à la rivière ce jour là.
Spectacle des plus satisfaisantsEn fin de journée, il fallait conduire les bêtes jusqu'à la ferme, à pieds ou à cheval. Mama nous laissait de plus en plus la responsabilité complète des troupeaux. C'était de loin le travail le plus passionnant. Il reste simple, bien que parfois éprouvant. Les yaks ne nous appréciaient pas, mais nous craignaient encore plus que les chèvres. Les bêtes les plus à l'écart avaient vite fait de rentrer dans le rang. Des "HOK" ou brandir un bâton suffisaient à motiver les plus lents.
A mi-chemin
Au tour des chèvresDepuis leur naissance, les chèvres comme les yaks sont acclimatés à retourner à la maison à la tombée de la nuit. Ces derniers sont d'autant plus craintifs car malmenés depuis leur plus jeune âge, légèrement mutilés ou brutalisés pour être séparés de leur mère. Ainsi, ils avancent sans broncher. Les mères yaks reviennent d'elles-même, entraînant parfois le reste du troupeau. Sinon, il faut aller les chercher. Elles partaient le matin à l'ouest à la recherche de steppes fraîches pour finir au sud le soir, parfois de l'autre côté de la colline. Il nous a fallu un certain temps avant de les différencier des autres troupeaux. Lorsqu'ils étaient mélangés, seuls les notres voulaient bien suivre.
PerchéesLes chèvres et les moutons se posaient moins de questions. L'effet de groupe rendait la tâche facile, sauf quand elles s'éparpillaient en se nichant au sommet d'une colline ou dans la forêt. Les troupeaux avançant jusqu'à la ferme dans le creux de la vallée au coucher du soleil constituaient un tableau unique et fantastique.
Une seule à la foisLes journées se terminaient également par la tétée des bébés yak, et la tâche de les attraper une dernière fois avant le dîner, si dîner il y avait. Sans faute ce soir là.
Je dormais dans le sac de couchage rougeTindu s'est invité pour la nuit, par terre entre Mama et moi. Il fallait attendre qu'elle éteigne la lumière avant de dormir, et qu'elle arrête de parler. Elle n'arrêtait jamais vraiment, car elle gémissait en dormant. L'ambiance avant l'extinction des feux était toutefois chaleureuse, avant de devenir glaciale une fois la dernière bûche éteinte. On s'est sentis plus proches d'eux ce soir là, dans tous les sens du terme.
"HOK"
-
25/03 - Le coût de l'autosuffisance - "One bébé" - Mongolian Sheperd [Jour 2]
- Par cpt-tibo
- Le 13/04/2018
- Dans Lac Khovsgol
- 1 commentaire
MAMA'S FARM, HATGAL, MONGOLIA
26/03
Une première nuit un peu agitée, pas réparatrice pour tout le monde. Le soleil était toujours là mais le vent s'était levé, faisant chuter la température de manière drastique.
Depuis l'enclos à yaksNous commencions à nous familiariser avec la ferme, le paysage, la famille, les équipements et le bétail.
Ils ont des chèvres et des moutons à ne plus savoir quoi en faire (nous en avons compté environ 150), une quarantaine de yaks, dont neuf bébés, un cheval et un chien. Une partie du travail demande une certaine régularité, comme la traite matinale, première tâche de la journée. On fait rentrer les neuf mères yaks qui traînent autour de l'enclos, on ferme l'enclos puis on libère les bébés qui se jettent sur la première mère à leur portée. Un fouillis pas possible où les petits qui choisissent la mauvaise maman se prennent des coups de pieds et des coups de tête. Ils sont solides cela dit (pour notre plus grande peine).
Têtée et traite des yaksLorsque Mama donne le signal "One bébé", il faut en faire sortir un, l'attraper puis l'attacher pendant qu'elle trait leur mère, assise tranquillement sur un tabouret en tee-shirt. Quand la traite est finie, il faut faire rentrer la marmaille. Les plus prudents sont difficiles à prendre par surprise et demandent une discrétion de voleur pour ne pas effrayer la mère. Nous préférions les porter, quitte à se recevoir des déjections sur les bras ou se prendre des reflux de lait frais maternel, plutôt que de les traîner par leur collier et les étrangler comme le conseillait Mama. Des coups, de la sueur et de la merde.
Rentrée des yaks ados
Attrapage des bébés yaks en soiréePuis vient le tour des "adolescents", des Tanguy dont la taille égale presque celle de leur mère. Avec les ressources de plus en plus diminuées de la steppe, on comprend qu'ils veuillent continuer à téter le plus tard possible. Au signal "One bébé" de Mama, nous faisions comme pour les bébés, mais un seul à la fois. Vu la taille du bestieau, c'était une chance. Malgré leur relative docilité, tous ne se laissaient pas faire. Les pieds ont surtout morflé, et même à deux sur les plus gros (des plus petits), nous aurions pu nous faire traîner. A la fin de la traite, elle rempli un petit sceau de lait suffisant pour les réserves de thé de la journée.
Toilettes mongolesCes bons vivants sont faciles à vivre, mais ne mènent pas la vie facile.
Les toilettes sont un trou dans le sol à une dizaine de mètres à l'extérieur de la ferme, exposées à la vue de tous, malgré de petites palissades en bois arrivant aux genoux. La pudeur n'existe pas vraiment. Nous avons vu plusieurs fois Mama pisser devant nous sans prévenir, à l'intérieur, dans un sceau, comme à l'extérieur.
Photo de familleLes notions d'intimité ou d'espace personnel leur semblait étrangères. Il n'y a rien qu'ils ne savent cacher ou partager. Leur alimentation étant composée à 80% de thé au lait de yak et de gâteaux, ils ne boivent pas d'eau. Ainsi toute la famille s'est mise à boire dans ma gourde. Le soir, Mama me la demandait parfois pour ses "bébés". Si vous aviez vu les joues et la bouche du petit garçon, vous auriez sûrement vous aussi arrêté de boire dedans, jusqu'à ce que vos limites de l'acceptable finissent par être repoussées.
Rentrée des chèvresUn des petits-fils m'a emprunté mon jeu de carte sans prévenir. Un autre a failli me voler mon casque. Mon savon a disparu dès le premier jour et le gel douche de Khalid à la fin du séjour ("Je le séduis, je ramène le shampooing et je sois prudente"). L'accès à l'eau étant (extrêmement) limité, leur toilette - vous imaginiez qu'il y avait une douche ? - l'est d'autant plus. La maison ne sent jamais mauvais grâce au feu et à l'odeur de thé. Il y a un petit robinet au débit infime qu'il faut régulièrement remplir. J'ai vu Mama faire sa toilette une fois avec. Pour l'eau du thé, elle fait fondre de la glace, mais pas assez longtemps pour la rendre potable. Elle utilise des blocs de glace que nous avions coupé à la hache après avoir gratté la saleté autour. Sans nos pastilles purifiantes, il aurait fallu aller à la rivière deux fois par jour. Et encore, avec les fermes et les bêtes autour, la pureté de cette rivière était loin d'être garantie.
Forêt de la colline ouest
CavalierSi nous nous sommes faits aux toilettes "publiques", cette hygiène relative au froid et à l'eau nous gênait bien plus que l'intimité ou la propriété. Au contact des bêtes toute la journée, nous ne pouvions même pas nous laver les mains. "Nous, c'est pour une semaine, eux c'est pour toute la vie", citation avisée de Khalid.
TimitTimit, dit la pile electrique, un autre petit garçon de huit ans, est arrivé avec une partie de la famille. C'était les vacances scolaires pour les enfants encore en âge d'aller à l'école, il sera là les trois prochains jours, pour le meilleur et pour le pire.
Timit et... euh.. ??Ce jour était sans doute le plus long. La quantité de travail n'était pas à la hauteur de nos attentes, et l'impossibilité de communiquer ainsi que le temps froid et maussade n'aidaient pas pour le moral. Faire du zèle en proposant de nettoyer les enclos n'a pas fonctionné, donc nous sommes partis sur une session de coupage de bois, assisté par les garçons.
On a joué à la guerre comme des gaminsTimit est l'incarnation même de la précocité. Il nous assistait dans beaucoup de tâches, lorsqu'il ne les faisait pas lui-même. Il voulait sans arrêt montrer qu'il est capable de tout faire : couper du bois ou des blocs de glace, monter seul sur un cheval, ramener les troupeaux, jouer au poker mongol ou à l'une de mes applications sans explication. Un vrai casse cou pas douillet pour un sou. Il nous a bien amusés, parfois un peu effrayés, mais rapidement saoulés. Les membres de la famille ne le calculait pas la plupart du temps.
Ses moments calmes servaient à recharger ses batteries devant des dessins animés ou l'un de mes appareils électronique à la seconde où je l'allumais.
Easy hillPetite expédition cette après-midi là sur la colline à l'ouest de la ferme. Le vent a emporté la casquette de Khalid jusqu'en bas. En descendant pour la rattraper, mon appareil photo a dévalé une partie de la colline, brisant net le cache soleil. J'étais bien content d'avoir investi dans un reflex anti choc, et le filtre acheté pour le froid m'a finalement été utile pour les chutes. No bobo.
Disis MongoliaPour cette deuxième nuit, "Le Vieux", (un personnage récurrent, le père de Tindu, a sa ferme un peu plus loin), a réquisitionné un lit. Lui et Mama dormaient chacun avec un garçon, pendant que nous essayions de faire abstraction de la toux de fumeur du premier et d'une autre plus violente, qui semblait plus grave et nous faisait de la peine pour elle. On aurait adoré être des dormeurs tout terrain comme les mongols. Encore une fois, les nuits ne vont pas aller en s'améliorant.
"One bébé"
-
24/03 - L'hospitalité nomade mongole : "OK" - Mongolian Sheperd [Jour 1]
- Par cpt-tibo
- Le 12/04/2018
- Dans Lac Khovsgol
- 3 commentaires
Troupeau de yaksHatgal, Khovskol Lake : une petite vallée entre steppes et fôrets à une dizaine de kilomètres de la "Perle bleu foncé", le lac sacré le plus grand et plus profond du pays, âgé de plusieurs millions d'années. Des petites fermes familiales d'élevage de yaks, de chèvres et de moutons. Des mongols fiers, humbles et souriants, loin du mode de vie et des préoccupations occidentales, dont l'hospitalité égale nulle part ailleurs. Nous avons découvert ce qu'était réellement l'autosuffisance, ses avantages comme ses inconvénients. L'expérience volontaire sans aucun doute la plus authentique qui soit. Pour Khalid, le meilleur moyen de se mettre dans le bain sans attendre. Six jours hors du temps et du monde, au plus proche du contact naturel et humain le plus élémentaire.
Lever de soleil avant MoronAprès 15 heures de route dans un bus de nuit depuis Oulan-Bator, nous sommes arrivés vers huit heures à Moron. Là-bas, rendez-vous avec un chauffeur de taxi qui nous attendait muni d'une pancarte avec nos prénoms. Une petite course de cent kilomètres qui a coûté presque aussi cher que les 8OOkm du premier trajet. Tout était arrangé par notre contact sur Workaway, Bayardalai.
Chez Orn à HatgalDirection la ferme, en pick-up sur un chemin caillouteux à travers une steppe parsemée de collines et de petites forêts de sapins. C'était la fin de l'hiver. La température dépendait en réalité du vent. Il ne faisait pas trop froid au soleil mais les nuits étaient glaciales. Les terres sont semi arides, surtout autour de la ferme où s'étend un océan de crottes de yaks ressemblant de loin à des pierres.
Ferme de MamaOrn et sa femme, bons amis de nos hôtes, nous ont déposés dans la ferme de Oat, dit Mama : une bonne vivante au physique imposant à la cinquantaine d'années. Ma tête touche le plafond de l'unique pièce de sa petite maison en bois. Il y a deux lits simples, quelques meubles, une table et un poële à bois où un feu brûle en permanence. Ajouté à cela les décorations chaleureuses des murs et du sol. Si nous n'étions pas si fatigués, nous aurions déjà pu nous sentir à la maison. La télé fonctionne grâce à une batterie de voiture reliée à un panneau solaire. Une autre batterie est utilisée pour recharger les appareils, bien que la seule possession electronique de Mama soit un téléphone à antenne, qu'elle utilise pour crier de longues conversations.
La famille de MamaPremier contact un peu froid avec Mama qui nous avait pourtant chaudement salué. Pour cause : personne ne parle plus de trois mots d'anglais. Elle nous a accueilli avec un plat de yak et des galettes de farine. Toutes les parties de la bête, du coeur aux intestins étaient à manger à la main et au couteau. Un véritable festin local pour ce que nous imaginions être un repas quotidien. Il y avait aussi du thé mongol, des biscuits et du fromage de chèvre aussi dur que la pierre. Le thé, base de leur alimentation, est fait avec du lait de yak trait le matin même par Mama. Bloqués sur le lit et dans l'incapacité de prendre part à la conversation, le temps semblait déjà long, surtout après l'épuisement du voyage. Ici, on communique avec des signes, donc nous lui avons fait comprendre qu'on sortait faire un tour.
Nous n'avons pas perdu de tempsDans ces grands espaces, il y a le choix du tour. A environ 1,5km au sud, une rivière gelée avant laquelle la vallée se décline dans deux directions opposées : une colline caillouteuse à l'est, une forestière à l'ouest.
Depuis chacune de ces formations rocheuses façonnées par le vent, la vue est à couper le souffle. On pouvait voir Hatgal et une partie du lac depuis celle-ci.
Ce sera (presque) une colline par jour. Pas de vent, un soleil de plomb, des températures beaucoup plus chaudes que prévues. Mais attention, le temps peut changer très brusquement d'un jour à l'autre.
Ferme depuis la colline estA Oulan Bator, Khalid ne réalisait pas encore qu'il était à l'autre bout du monde, tandis que je ne réalisais pas que lui était là avec moi. Au sommet de ce rocher dans le calme infini des grands espaces mongols, nous nous demandions toujours comment nous étions arrivés là.
Nous sommes redescendus couper du bois, une tâche qui demande une certaine précision mais pas forcément beaucoup de vigueur.
Ce sera notre passe-temps principal pendant les temps morts
Mama et KhalidUn peu plus tôt, Mama était enchantée de notre cadeau : une bouteille de vodka qu'ils se sont empressés de terminer avec une partie de la famille arrivée un peu plus tard. Pendant que les vieux étaient occupés à s'éclater la tronche, les petits fils d'une vingtaine d'années : Tindou et ??? nous ont proposé une partie de lutte. Le dernier au nom imprononçable est un petit bloc de muscles avec des appuis solides qui nous a tous couchés plusieurs fois de suite. Au delà du physique, il attendait patiemment l'ouverture au moment de l'attaque pour nous soulever avec une force et une vitesse surprenante. Découverte de la lutte mongole, ou "bökh", qui est l'un des trois sports virils du pays. A la différence des autres, il n'y a pas de division de poids. On a fini en tee-shirt dans un lieu où je pensais avoir besoin de gants de ski.
Yak devant la ferme
Berger mongolLa famille de Bayardalai est très nombreuse. En gros, ceux qui ont "réussi" ou qui n'ont pas résisté à l'appel de la ville, vivent à Oulan-Bator (comme le tiers de la population). Les autres vivent dans des fermes autour de la vallée. Ils ont quelquefois essayé de nous expliquer leur lien de parenté. Bayardalai semble être le frère du défunt mari de Mama, dont le portrait décore le mur.
Il y a 900 000 nomades en Mongolie (l'autre tiers de la population qui n'habite pas à Oulan-Bator) dont la vie est basée sur l'élevage. La majorité sont autosuffisants grâce aux produits obtenus par leurs animaux. Nos fermiers sont des nomades sédentaires, car tels des nomades, ils ont choisi l'endroit en fonction des ressources naturelles : arbres, pâturages, collines... Ils sont sédentaires car ils ne migrent pas à chaque fin de saison. Mama est installée depuis longtemps, mais les fermes des plus jeunes sont beaucoup plus récentes. Sa famille s'invite régulièrement mais participe également au maintien de la ferme.
Khalid Horseman
Retour des chèvresUne journée déjà bien chargée malgré un travail assez tranquille. Tindu nous a fait nettoyer les crottes de l'enclos à chèvres, à l'aide d'une pelle et d'un traîneau de fortune. Puis, accompagnés des deux lutteurs, nous avons aidé à rentrer les bêtes à cheval. Le travail de berger sera différent chaque jour. Il fallait ensuite attraper les petits yaks après la tétée, direction leur enclos.
Mama rentrant les chèvres
Bébé yak tétant sa ronnedaEn rentrant à la ferme, Mama vomissait, aidée par son petit fils : un garçon de huit ans, et gentiment moquée par les autres qui imitaient l'ivresse en nous expliquant : "Mama Vodka". Elle nous a serré les mains avec une poigne dantesque en disant "I'm sooooorrry, don't tell Bayalai" (dites rien au boss). On a décidé d'attendre avavnt de sortir les deux autres bouteilles de vodka. Exceptée la lumière allumée tout la nuit, la Mama vomissant et pissant dans un sceau, crachant ses poumons, le lit trop court et la couette trop lourde, j'ai assez bien dormi. Khalid était plus partagé (euphémisme extrême). Mais on aurait dû tous se réjouir car c'était peut-être la nuit la moins agitée.
"OK"