Articles de cpt-tibo

  • 25/01 - 26/01 - Le désastre d'Agra

    J'annonce que je vais être très dur tout en tâchant d'être le plus objectif possible. C'est un épisode particulièrement foireux mais qui mérite d'être raconté. N'étant photographe de sensation, je n'ai que ma prose de reporter sans pareil à vous offrir.
    Mon expérience d'Agra a été particulièrement immonde pour ne rien vous cacher. Delhi, je n'y ai transité qu'à peine un jour, suffisant pour ne pas avoir envie d'y retourner. Après Leh, je suis forcé d'y repasser pour deux jours, mais je ne ferais probablement rien d'autre que du repos. 

    J'ai quitté Jaipur de bon matin à bord d'un bus local. TRES local. Des jeunes indiens sympathiques et envahissants essayaient d'échanger leurs écouteurs contre mon casque. Ils voulaient me faire croire, en rigolant, que la qualité de mon casque était nettement inférieur à leurs écouteurs, afin de le garder pour eux. On a tous éclaté de rire. Pendant la première partie du trajet, j'écoutais donc de la musique traditionelle rajpoute en observant un paysage de désolation, pendant qu'eux passaient du Daft Punk et autres artistes populaires qu'ils reconnaissaient dans mes playlists.
    Des bidonvilles à profusion. Malgré le temps maussade, c'était la foire à la douche sauvage. De sauvage, les décharges étaient les plus fréquentes. Les fenêtres de ce bus vétuste, dont il ne restait plus grand chose de la couleur rose d'origine, étaient à moitité ouvertes. Je n'avais pas besoin d'essayer d'imaginer l'odeur. Je ne compte pas, spectacle de désolation, les cadavres de vaches, frais ou en décomposition sur le bord de la route. Pour le grand plaisir des chiens, qui se faisaient une joie de fouiller avidement l'intérieur de ces pauvres bêtes. Le sommum de la décolation était ce cadavre de dromadaire (ou chameau) en plein milieu de la route. Une route qui, en plus d'être longue, s'annonçait rude.
    Les pires ordures, c'était les deux collecteurs du bus. Deux frères à l'allure bollywoodienne. Costauds, moustache et manches retroussées, se croyant tout permis. Hautains commme jamais, ils ont presque jeté dehors un vieux qui les suppliait de le laisser rester en leur tendant un billet de dix roupies. Un peu plus tard, un enfant est arrivé, jouant (détruisant) du violon et hurlant ce que je soupçonne être une chanson. Il nous a tous cisaillé le crâne. Je lui ai donné dix roupies. Il s'est fait jeté dehors. Tout cela, ce n'était que les trois premières heures. J'étais serré comme du bétail sur un siège où la place pour mes jambes (c'était prévu) était trois fois trop étroite.

    Le chauffeur et ses deux imbéciles de collecteurs, à qui j'avais pourtant acheté un billet direct pour Agra, nous ont lâché moi et cinq locaux à Bharatpur. Fuckers ! De là, j'ai suivi le groupe jusqu'à un minibus, conduit par une autre espèce d'ordure. Une fois de plus, un autre vieux qui était avec nous s'est fait jeter comme un malpropre. Heureusement pour nos coprs, car je ne me souviens pas avoir été aussi serré dans un véhicule. Nous étions quatre sur une banquette de trois, avec nos sacs et valises sur et autour de nous. Devant, trois indiens empilés avaient l'air d'être dans une situation légèrement plus problématique. Avec le chauffeur, je crois qu'ils avaient un débat houleux sur je ne sais quel sujet. Quoi qu'il en soit, le chauffeur dominait la discussion. On aurait dit qu'il engeulait en permanence ses passagers, qui semblaient s'écraser à longueur de temps. Avant de partir, grosse frayeur. Un poivrot, apparement ami du chauffeur, s'était fait passer pour lui. Sur peut-être vingt mètres, il a calé cinq bonnes fois et manqué de renverser tous les gens autour. "Ahahah elle est bien bonne Richard" a dû dire son pote. Enc**** !! J'étais tellement écrasé contre ma portière qu'il était impossible de fermer la fenêtre. Frigorifié, on arrive enfin à Agra après une bonne heure de route. Evidemment, il nous lâche aux portes de la ville, à cinq kilomètres de ma guesthouse toute proche du Taj-Mahal.

    J'ai choppé le premier Tuk-tuk qui arrvait. Un musulman crachotant qui ne parlait pas un mot d'anglais. Quand je lui ai montré l'adresse, il avait l'air de ne pas savoir lire puisqu'il n'arrêtait pas de prendre mon téléphone pour le montrer à des passants. Beaucoup de petites rues où les voitures, les deux-roues et les tuk-tuk doivent à moitité s'empiler pour circuler, ainsi que, plus intéressant, des troupeaux de buffles le long des grandes avenues. Arrivé autour de la guesthouse, il continuait de s'arrêter pour demander le chemin aux habitants, alors que, grâce à ma carte, je lui donnait les directions précises avec ma main... Rien à faire. Le pire, c'est qu'il s'attendait à un pourboire. Quel abruti ! Dégouté avant même d'arriver à Agra.
    Ma guesthouse était très accueillante. Ils m'ont donné un tas de conseils, comme ne pas venir visiter le Taj-Mahal le vendredi (par exemple), car il fermé à cause de la prière... Attends deux minutes... Quel jour est-on ? Jeudi. Fin d'après-midi. Bon. Plus rien à faire. Echec total.
    J'ai pris mon temps pour marcher autour du Taj Mahal et ses grandes rues commerçantes, regorgeantes de boutiques de souvenirs. Puis me suis posé sur le toit d'un excellent restaurant pour admirer de loin une merveille que je n'aurais pas la chance (c'est le cas de dire) de voir. Le soir, j'ai découvert des rues de plus en plus petites et sales, et des patisseries sucrées à l'excès. 

    Vendredi matin, j'apprend que je peux voir le verso du Taj Mahal, le "Black Taj Mahal". Une vue aussi intéressante que gratuite de l'autre côté de la rivière. J'emploie donc un tuk-tuk (9km, pas trop le choix) pour me déposer à ce point de vue, avant la gare routière où je pourrais prendre un bus pour New-Dehi, le tout pour un prix raisonnable. En plus du froid de canard, au fur et à mesure que l'on s'approchait de la destination, le brouillard se fasait de plus en plus épais. A un kilomètre, on ne voyait déjà plus à dix mètres. Puis on arrive au "point de vue" : magnifique étendue brouillardeuse à perte de vue. Impressionant. Quelle poisse. Je me suis promis que je me renseignerais un minimum la prochaine fois. On s'est bien marrés avec le chauffeur, quand je lui ai dit "Waouh, magnifique, il est partout en fait. Regarde le Taj Mahal, on peut encore le voir". Il y avait toujours le fort d'Agra, ou le tombeau d'Akbar, mais j'avais plus du tout la motivation. Spécialement quand je me disais que j'aurais pu assister au défilé militaire de la fête nationale si j'avais été directemet à Delhi. Nouvel échec retrospectif.
    Le bus était privé. Impeccable, mais cher. Après environ deux heures, quelqu'un a forcé une pause pipi sur le côté de la route. Plusieurs ont suivi, dont moi. Drôle d'expérience que de pisser en face du bus, sous le regard de dizaines d'indiens. La route, R.A.S. Elle se faisait de plus en plus large. D'immenses échangeurs autoroutiers ammènent dans une ville plutôt banale, de ce que j'en ai vu.

    Environ 15h. Je me suis fait méchamment couilloner par un chauffeur de taxi. L'erreur a été de lui demander de me déposer au centre commercial le plus proche. Je me suis souvenu à mes dépends qu'il faut toujours donner une adresse précise sans quoi, commissionné par certains magasins, le chauffeur fera tout pour t'y déposer. "Ici tu peux faire ton shopping". Certes, le plan était de traîner dans un "mall" en attendant mon vol le lendemain à 6h. Mais là... Payes ton centre commercial... Je me suis immédiatement barré de cet "emporium gouvernemental" ou plutôt ce piège à cons, qui accepte toutes sortes de moyens de paiement (jusqu'aux mamans), pour me réfugier dans un café, à partir duquel j'ai pu établir un plan solide grâce à leur Wi-Fi. Tout en espérant que ce salaud ne touche aucune comission. Une semaine plus tard (spoil), je me suis fait reconduire dans cette même rue, à pieds, par un chauffeur de tuk-tuk cette fois-ci(soi-disant hors service). Je n'avais plus vraiment la même mentalité. Pour la petite histoire, je galérais en ville, peut-être à un kilomètre de l'endroit en question, lorsqu'un mec m'a abordé. Il a couru le marathon de l'escroquerie pour me convaincre de visiter cette "superbe petite rue locale", qui est en réalité une très grande avenue longeant le métro aérien, infestée de ces magasins gouvernementaux qui vendent de tout. Avant d'y arriver, je l'avais percé à jour. Surpris et amusé, il était curieux de savoir comment j'étais au courant. Tout le monde est au courant... Avec tout le mal qu'il s'est donné, je ne voulais pas faire le crevard, donc je lui ai demandé combien de temps je devais rester dans tel magasin, et si je devais nécesseraiment acheter quelque chose pour qu'il touche son billet. Apparement non, juste dix minutes un quart d'heure suffisent. Mission accomplie.

    Retour au 26 janvier, le métro était donc à deux pas. J'ai passé toute la fin de journée dans plusieurs cafés, le décathlon et le supermarché d'un gigantesque centre commercial, avant de finir dans l'aéroport autour de 22h.
    La nuit fut très longue...

  • 23/01 - 24/01 - Road trip au Rajasthan [Jour 6-7] - BUNDI - Le plus dur reste à faire - "Tout donner"

    Dernière étape. La plus longue. Sûrement la plus physique. Sûrement pas la plus compliquée. Près de 300km d'Udaipur à Bundi, en passant par Chittorgarh (autre forteresse classée à l'UNESCO). J'ai décidé de ne pas m'y arrêter, car il était vital que j'atteigne Bundi avant la nuit. Une semaine après le road trip, je me demande toujours si les feux fonctionnent. 

    23 01

    Ce furent 250km sur une autoroute toute neuve. J'ai battu mon record qui était de cinquante kilomètres sans m'arrêter. Une enfield au rythme très soutenu m'ouvrait le passage, que je suivais assez loin derrière. J'ai également dû battre mes records de vitesse. Difficile à estimer, mais je dirais entre 90 et 200km/h, pour être précis. La vitesse maximale théorique de la pulsar est de 110km/h, et moi j'étais régulièrement "main au plafond" L'excellent état de la route, la visibilité à l'infini, l'absence de vaches, mon impatience et mon mal de dos grandissant me poussaient à tirer de plus en plus fort la poignée d'accélérateur.
    Quelque chose à signaler ? Un mec qui débarque sur la route, pepère, du haut de son éléphant. C'est bouche bant.

    125
    Route très représentative de la journée 
    Après seulement trois heures, mon dos, mes fesses et mes yeux n'en pouvaient plus. A la fin de la journée, j'enlevais un amas de moucherons écrasés sur les coins de mes yeux, irrités par le vent et la poussière. Impossible de le faire sur la route. Faire entrer mes doigts tout sales en contact avec mes yeux n'auraient fait qu'empirer les choses. En plus, sous mes trois couches de t-shirt, j'étais gelé tout le long du trajet. Il faisait de plus en plus froid au fur et à mesure que j'approchais de Bundi, au climat plus doux et plus frais en hiver. Lancé sur la route, je pouvais toujours sentir le fauve qui émanait de mes vêtements. Trois caleçons, t-shirts et paires de chaussettes. Pas assez de temps pour des lessives. Une douche à l'occasion quand je trouvais de l'eau chaude. Tout ce qui touche à l'eau a beau être rudimentaire, je trouve les indiens écologiquement (uniquement sur ce terrain là) en avance sur nous. Il n'y a généralement pas de papier toilette, mais un jet d'eau manuel ou automatique, dans les toilettes les plus aisées. Quand il y a du PQ, on précise bien que ça va dans la poubelle. Les toilettes "locales" consistent en un trou dans une fosse. Penser à prévoir son PQ. On trouve alors (pas toujours) une poubelle, de la terre et une coupelle, pour "tirer la chasse". Je ne veux même pas savoir qui vide la fosse et où ça part.

    Bundi, l'oasis du Rajasthan 

    Bundi
    Bundi depuis le Fort Taragarh
    Malgré la taille assez imposante de la ville (tout est relatif en Inde), Bundi est un havre de paix. Son lac et son positionnement dans la vallée la font apparaître comme un mirage à son approche. Elle est un peu à l'image de Pushkar, en plus grande, plus verte et sans le côté sacré. La ville entière semble être le quartier ancien. Dans la rue, on dit que les gens vous reconnaissent au bout de deux jours. Je suis arrivé, glacé, avec les derniers rayons d'un soleil timide. Comme à mon habitude (je ne les choisis pas au hasard non plus), je tombe sur une guesthouse familiale au personnel et à l'ambiance chaleureuse. Les gérants, deux frères, parlent un peu français. Ils en sont fiers et en font même un peu trop. Un dernier dîner sur le toit de la barraque s'imposait.

    Garh Palace Bundi
    Cour du Palais de Garh
    Courbaturé, je m'oblige à me lever à 8h pour voir, une fois est très coutume, le fort et le palais surplombant la ville. Cette fois-ci, surprise, il n'y avait absolument personne. Quel régal ! Après m'être acquitté du droit d'entrée de 500 roupies (un des plus chers jusqu'ici), je commence par le palais, relativement petit et très sobre. La visite n'a pas duré plus d'un quart d'heure.

    Bundi
    Bundi depuis le Palais

    Bundi Fort
    Rempart
    Le fort, c'est autre chose. Tout aussi sobre, son calme et son authenticité sont à couper le souffle. La municipalité, c'est tout à son honneur, a fait le choix de laiser le site en l'état, si ce n'est à l'abandon.

    Bundi monkey
    Le chemin pour s'y rendre est un parcours du combattant, infesté de ronces, de ruines et de singes.

    Bundi monkey 2
    Ils se fondent si bien dans le décor
    A l'entrée du fort, des indiens avec des gros bâtons se proposent de servir de guide et de repousser les singes soi-disant dangereux. Non merci. Si quelque chose m'a bien attaqué, ce sont les arbres. A l'entrée du fort, il faut se plier en quatre pour passer dans le trou de la porte, puis on accède à un domaine tout simplement magique.

    Bundi Fort 2
    Les arbres et arbustres ont repris le contrôle du fort

    Des bouses de vaches et d'éléphants ouvrent un chemin plus ou moins bien praticable. Tout cela donne, je pense, un bon aperçu de la vie médiévale.

    Bundi Fort 3
    Pour aller d'une tour à l'autre, il faut parfois sauter, escalader ou ramper
    Les arbres sont agressifs avec leurs grosses pointes. Le délabrement total des structures rendent le passage des ponts vraiment stressant. Un moment, je me suis retrouvé avec un singe en face de moi sur un de ces ponts très étroit. En voyant le macaque à l'allure imposante s'avancer vers moi, je me suis arrêté et j'ai serré les fesses. Comme je l'ai dit, seuls les arbres sont à craindre.

    Bundi monkey 3
    Pour ma défense, j'avais déjà mon appareil photo en joue
    La récompene est à la hauteur de la difficulté de l'aventure : un panorama sur la ville (pour changer) et une sérenité sans pareille.

    Bundi Fort 4
    Chaque endroit du fort est unique et mystique

    Bundi Fort 5
    Entre les arbres, on n'entend que le résonement des oiseaux

    Bundi Fort 6
    Dans une tour
    On trouve des fresques, des petits temples, des lieux de vie qu'on peut parfois identifier : toilette, salle d'arme, salle à manger...
    Je m'apprêtais à rentrer, par manque d'eau, quand je suis tombé sur un guide. "Suis-moi, mon ami, je connais un endroit où tu peux boire". Du moins c'est ce que j'ai compris. Evidemment, au lieu de dire non merci, je m'étais justifié en disant que j'étais à sec. Quand il y a une vraie excuse, on ne se prive pas pour la donner. Sauf que c'est pas souvent la meilleure idée. Fin bon, je me disais "cool un endroit où je peux me poser, boire et repartir". Je ne me doutais pas qu'il se foutait carrément de ma gueule. Arrivé en haut d'une tour après quelques minutes de marche, il me montre un autre puit. 

    Bundi Fort 7
    "C'est d'ici que vient l'eau qui alimente toute la ville" me répond-il...
    Mais VTFF ! Je ne crois pas une seconde au malentendu. No way. Son anglais était décent. Le mien l'est aussi. C'est bien la première fois que je m'énervais contre un indien. J'ai fini par le payer (en roupies) quand il m'a trouvé une bouteille. Pas avant qu'il me montre d'autres parties du fort que je n'avais pas exploré. Je le quitte avec un peu de rancune mais sans regrets quant à ma visite.

    24 01

    En ville, je ne reste qu'une quinzaine de minutes le temps d'un mango shake. Il est déjà 10h30, il me reste 200km pour retourner à Jaipur. Je sais que je ne pourrais pas éviter le trafic de fin d'après-midi. Ce retour était plus froid encore. M'arrêter suffisait à peine à me réchauffer. Environ 15°, mais le vent est passé de frais à froid. Le temps était contre moi. Je me suis donc arrêté une bonne heure dans le restaurant d'un hôtel sur le bord de la route pour me ressourcer. Au passage, la nourriture cette semaine était particulièrement répétitive : salade, tomate et fried rice. Les restaurants indiens proposent presque tous du chinois. En plus d'être un choix sûr et délicieux, je ne voulais plus prendre de risque avec mon ventre fragile. Ce midi, c'était autre chose : trois chapati, les galettes indiennes, avec un assortiment de plats à base de poulet. Classique absolu. Epicé mais vaut le coup.

    Le trafic commençait vraiment à s'intensifier. Entre le passage d'ambulances fanfaronantes, j'ai vu un camion et une voiture retournées. De quoi faire ralentir. Il y a beaucoup de péages, ce qu'ils appellent des "Toll gates". Chacune annonce une taxe, mais une voie à gauche est toujours libre pour les deux-roues.
    Laissez-moi vous décrire un "phénomène humain" qui m'est tombé dessus pendant une pause dans l'un de ces péages. Après recherches et demandes, je n'ai pas trouvé d'explication. Voilà : un groupe d'une dizaine d'hommes avançant sur la route nationale, un porte drapeau à l'avant. Deux hommes complètement nus au milieu de ce groupe. Tous souriants et discutant entre eux. Croyant au départ, de loin, qu'ils étaient forcenés, je me suis rendu compte que c'était en fait des volontaires. Se foutent-ils à poil pour des raisons politiques ou religieuses ? Si quelqu'un a une explication, il est le bienvenue.

    Abasourdi, je continue ma route. A cause de l'épopée de Ranakpur, le "capot latéral droit" commençait à vouloir faire sa vie ailleurs. Je constate, à environ 7Okm de Jaipur, qu'il y a une serrure à ce capot qui menaçait sérieusement de tomber. Je m'arrête donc pour l'ouvrir et tenter de le remettre bien en place. Quand soudain... La clef se casse en deux dans la serrure ! Le capot tombe ! Si près du but... Sans carte SIM au milieu de nulle part, je suis sous le choc. J'envisage en une fraction de secondes toutes les possibilités : appeler un numéro d'appel d'urgence, pousser la moto jusqu'au prochain village... La moitié de clef restante me permettait presque de faire démarrer l'engin. Mais non. A peine deux minutes plus tard, deux indiens, turban et moustache tressée, apparaissent de l'autre côté d'une barrière sur une moto. "Namaste, aidez moi svp, j'ai pété ma clef". Pas un mot en anglais ne semble passer, mais l'un d'entre eux s'illumine quand je montre le cadavre de la clef. Il retire alors la clef de sa moto, s'avance vers la mienne, la démarre et récupère sa clef. Sorcellerie ! Je respire, mais je me dis que c'est temporaire. Pas le droit d'arrêter le moteur jusqu'à que je trouve une solution. Il m'invite à le suivre dans son village à quelques kilomètres, jusqu'à un garage. En deux temps deux mouvements, le garagiste retire la clef du capot, fixe ce dernier à la moto puis me donne une nouvelle clef. Le tout pour 50 roupies (70 centimes). Je n'ai rarement autant remercié quelqu'un que les deux indiens qui m'ont sorti de cette situation qui s'annonçait merdique.

    Jaipur, c'était clairement le boss final de la route. On se se serait cru dans un jeu où il faut esquiver piétons, vaches, chiens, et le plus imprévisible, les voitures et les deux-roues qui sortent de nulle part et dépassent comme des tarés. Regulièrement, des aglutinements massifs aux quelques feux rouges des grandes avenues. Dans ces bouchons, pas questions de se laisser faire sous peine de rester bloquer pour une nouvelle séquence de feu. Certains scooters roulent sur le trottoir, ou en sens inverse pour contourner le feu. Beaucoup le grillent carrément.
    Cinq kilomètres parcourus en plus d'une demi-heure, pour arriver chez mon concessionaire qui avait l'air surpris que je sois toujours en vie. Douteux, aussi, du parcours que je soutenais être simplement Ajmer et Pushkar. Il n'a même pas remarqué que la nouvelle clef est plus petite que la précédente, que les vitesses se passent beaucoup moins facilement qu'il y a une semaine, que le guidon se détache progressivement du reste...

    On ne dirait peut-être pas comme ça, mais conduire en Inde, c'est bien plus simple que ça en a l'air.

    Capture

  • 21/ 01 - 22/01 - Road trip au Rajasthan [Jours 4-5] - UDAIPUR - Halte dans la ville des artistes et des érudits - "Apprendre"

    Udaipur lake
    Udaipur
    La ville culturelle et artistique indienne par excellence. Une ville bâtie par des artistes, le long d'un immense lac. Une ville fière de ne jamais avoir été envahie, à l'époque en avance sur son temps, dans ses infrastructures et son mode de vie. Plus sobre, mais plus hétérogène que les quartiers anciens de ses prédecesseurs (de mon road trip). Toujours les même ruelles étroites et vivantes. Un artisanat omniprésent au point qu'on ne sait plus où donner de la tête. Du coup, on manque de se manger des deux-roues toutes les deux secondes. 

    Udaipur
    La vieille ville depuis le balcon
    Je reprend là où je m'étais arrêté la veille. Après une journée déjà riche en sport et en émotion, je n'ai le courage de faire que le tour de la petite rue de ma "Pleasure Guest House". Pas avant que Jitou, le gérant boiteux, rigoleur et carrément porté sur la boisson, ne m'offre un thé et (m'oblige un peu à) entamer une longue discution sur ma vie. Très informel, et tant mieux, il ne m'a même pas prit mon passeport, ni fait remplir le formulaire. Il va avoir des problèmes ! "Y a pas de lézard" comme il aime bien dire. Antant, période depuis laquelle je n'avais pas entendu cette expression sortie des bas fonds ("éructe", comprendra qui s'en rappellera, lel). La chambre d'hôte est dans une ruelle très calme, avec une cour style jardin zen. Le toit offre une fois de plus une vue splendide de la ville et du Palais d'Udaipur.

    111
    Leçon de cuisine du "chicken masala"
    Oignons, gingembre, ail, coriandre, canelle, safran, etc. Masala siginifie en fait mélange. Chaque masala est différent en fonction de son créateur et de la base du plat (poulet, poisson, viande rouge...). Une française nous a rejoint pendant le dîner, pour la dernière semaine de son année d'étude en Inde. A Udaipur aussi, l'extrême majorité des visiteurs étrangers sont français. Je n'ai encore rien vu de la ville, mais je compte bien rester une nuit de plus.

    Jagdish Temple
    Le Jagdish Temple, "vishnouïste", au milieu d'une rue très animée.
    Toutes les figures divines (Shiva, Ganesh, Durga, le Soleil...) sont représentées. Tout autour, des mendiants, boiteux, aveugles, manchots, font la manche.

    Jagdish Temple 2
    Certains sont plus photogéniques que d'autres
    En sortant du temple, les boutiques d'art sont présentes en masse jusqu'au lac. Les devantures sont passionantes, chacune est un véritable petit musée en soi.

    Gothwal Arts
    Gothwal Arts
    Bonne découverte : la boutique d'art familiale de Mr Shyam, qui m'a fait une démonstration de sa peinture à l'eau sur des vieux parchemins. Le premier commerçant à me faire un prix, pour un lot de peintures sur des vieilles cartes postales, que je compte organiser en fresque en rentrant. Il était 11h, j'étais son premier client. Je l'ai recroisé deux fois, les bras croisés devant sa boutique. La première fois, je tournais en rond avant qu'il me conseille d'aller faire un tour du côté du Folk Art Museum, à trois rues d'ici. Sans grand intérêt, au moins j'ai pu réserver ma place pour le spectacle folklorique organisé tous les soirs dans la petite salle en plein air du musée.

    Udaipur Palace
    City Palace Museum
    Enuite, il fallait absolument que je me tape l'incontournable City Palace Museum. Cher, surtout si on prend des photos, et pas worth. Légèrement déçu, d'abord parce que l'habituelle vermine touristique grouillait au sein de ses murs. Mais surtout, on se lasse vite des éternelles batailles à répétition des maharajahs pour le contrôle de la ville, de la manière dont ils ont vaillament repoussé les envahisseurs moghols, anglais ou musulmans, ou de leurs jeux d'alliances et de trahisons pour garder le pouvoir. Au final, la fin justifie toujours les moyens. En plus, j'avais soif et chaud donc je ne me suis pas attardé dans ce palais musée.

    Udaipur Palace 2
    Salle quelconque (mais sympa)
    Seul quelques salles, cours et la vue sur le lac et la ville valent vraiment le coup. Il y a des pancartes et des barrières partout. Bâti par le fondateur de la ville au début du XVIè, il fut sans cesse agrandit au fil des siècles.
    Certaines armes, tableaux, instruments de musique et objets sont intéressants, plus pour leur raffinement que leur histoire.

    Udaipur 2
    Structure quelconque (sympa aussi) avant un pont
    Plus tard, alors que je m'étais arrêté sur ce pont, un dealer a essayé de me convaincre pendant dix bonnes minutes que son matos était parfaitement légal. Pas crédible une seconde, il me balançait en boucle du "ta gueule c'est sacré ici". J'ai quand même eu un doute quand son pote a débarqué et commencé à rouler sa beuh devant tout le monde. Il était pas facile à chasser celui-là.

    Folklore show Udaipur
    Spectacle folklorique
    Le speaker raconte à chaque entracte, en anglais puis en hindi, l'origine et la signification des performances qui suivent. Vous, vous avez le droit à une description banale et assez évidente.

    Folklore show Udaipur 2
    Danses traditionnelles, très axée sur les poignés et les genoux.

    Folklore show Udaipur 3
    Souvent couchées ou à genoux, elles jouent pas mal avec les bijoux et d'autres instruments.

    Folklore show Udaipur 4
    Scène de combat. Les costumes et le maquillage sont saisissants. Mais l'air abattu du mec jouant le cheval est plus prenant que n'importe quoi d'autre.

    Folklore show Udaipur 5
    Le chanteur à droite, et les musicienns. S'ennuyant ferme, ils étaient constamment en train de se casser des grosses barres en douce.

    Folklore show Udaipur 6
    Le meilleur pour la fin : l'équilibriste folle aux moultes vases. On arrêtait pas de lui en rajouter et elle n'arrêtait pas de tourner sur elle même de plus en plus vite. On finit par un spectacle de marionnettes fun.

    Folklore show Udaipur 7
    Perspective intéressante
    J'ai fini par traîner dans la ville, dans des rues pas toujours très propres et abordables, jusqu'au Tibetan Market. Ils ne vendent que des vêtements, mais toutes sortes de vêtements.

    Le soir, j'ai réalisé quelque chose de marrant. Au départ, pensant que je devais être un parmi tant d'autres à me lancer en moto à la conquête de ce que certains appellent le "triangle d'or", je m'attendais par conséquent à en rencontrer d'autres comme moi. En fait, personne ne semble faire ce road trip, du moins pas en moto, ni à cette période ou dans cette direction. Je ne croise, dans mes guesthouse, que des indiens et des occidentaux ayant pris le bus ou le train (pour les plus courageux). L'idée m'était venue après avoir constaté que les "principaux sites d'intérêt" sont tous respectivement à une centaine de kilomètres. Ceux qui m'attiraient le plus formaient un cercle ce qui m'évitait d'avoir à revenir sur mes pas. A peu de choses près, j'ai respecté l'itinéraire de base. Le plus dur est quand même à venir. Enorme suspense.

  • 20/01 - 21/01 - Road trip au Rajasthan [Jours 3-4] - RANAKPUR & KULBALGARTH - Approche pittoresque de la campagne rajpoute - "Prendre son temps"

    Frustré et admiratif, je bois mon café depuis le toit où je peux contempler une dernière fois cette majestueuse forteresse. Une nuit de plus à maudire cet éternel tapage nocturne. Grandes villes ou pas, j'ai réalisé que c'est d'abord l'épaisseur des murs de la chambre qui détermine le droit au sommeil. Cette fois-ci, j'avais carrément l'impression d'être en plein milieu de la rue. J'entendais avec précision les conversations bruyantes des gens dans leur chambres et sur le toit, en plus des BOUM BOUM à répétition jusqu'à deux heures du matin, comme s'ils étaient en travaux. Malgré un prix imbattable et un personnel le plus attentionné du monde, quand un établissement ne parvient pas à remplir sa fonction première, à savoir dormir, c'est caca.

    20 01

    La veille, j'hésitais toujours entre Jaisalmer et Ranakpur. Le premier me faisait emprunter le grand ouest désertique, jusqu'à une centaine de kilomètres de la frontière pakistanaise. L'idée était tentante, mais les possibilités qui s'offraient ensuite plus limitées. Sur les conseils de mes hôtes et des invités, j'ai opté pour Ranakpur, moins loin mais plus reculé.

    Comme chaque veille depuis mon départ, j'avais réservé mon hébergement pour le lendemain. Après environ cinq heures de route (en omptant les pauses), posé mes affaires, fait le tour du vieux quartier et des sites d'intérêt, avant de m'écrouler pour dormir d'un sommeil saccadé et finalement partir plus tard que prévu. Heureusement, cette journée va venir un peu casser cette "routine" si vite établie.
    Au delà des problèmes mécaniques, le plus gênant sur la route est un facteur que j'aurais pu prévoir : le froid. Ayant laissé ma parka dans le casier de l'auberge à Jaipur, je n'avais que mes t-shirt et une veste (assez légère) avec moi. Quand bien même je faisais des vraies nuits, impossible de partir à l'aube. Il fait entre 10 et 15° jusqu'à 8h du matin, heure à laquelle le soleil finit de se lever. Ensuite, ça se réchauffe, mais pas assez pour rouler confortablement dans un tel accoutrement. C'est con, parce que les citadins indiens sont les pires couche-tard. Du coup, la circulation le matin est excellente.

    Ranakpur road
    Quelque part entre Ranakpur et Ganerao
    Entre Jodhpur et mon auberge de jeunesse à Ganerao, la route était, comme prévu, fraîche et tranquille. Les villages que traversaient l'autoroute étaient de plus en plus petits au fur et à mesure que j'approchais de ma destination. Je suis arrivé en début d'après-midi dans un domaine avec piscine, tentes de luxe et cinéma en plein air, vide de gens et de bruit. Victoire ! Je n'avais qu'un lit dans le dortoir principal, mais tout le service de ce "camp" à ma disposition. A ma grande satisfaction, ils n'étaient pas trop envahissants. Pas de Wi-fi, mais le gérant a eu la gentillesse de partager sa 4G pour que je puisse réserver ma prochaine chambre d'hôte. Posé sur un transat en face de la piscine, j'ai savouré ma salade de tomates en me réconciliant avec mon estomac. Une petite heure au calme, presque plus réparatrice que mes deux dernières nuits, avant de repartir aussitôt pour Ranakpur.

    97
    Le petit village à une trentaine de km était aussi innatendu qu'impressionant...
    Pour ses minuscules rues et la beauté architecturale de ses maisons. Je m'étais arrêté à la recherche d'un ATM (distributeur d'argent), dans ce village et ses rues qui ne figurent sur aucune carte. Chaque habitant m'arrêtait pour savoir comment j'étais arrivé là.

    98
    Des enfants qui rentraient de l'école voulaient prendre des selfies.
    Il y en a un qui n'a pas perdu le nord en me demandant son "cadeau". 10 roupies svp monsieur.

    99
    Plafond du Temple d'Adinath
    Ranakpur, à une vingtaine de kilomètres de mon auberge, sur une route défoncée, est davantage un site historique qu'un village. Il est célèbre pour son immense "Temple d'Adinath" en marbre blanc, un des plus grand temple jaïn d'Inde. Les jaïn sont une minorité religieuse de 4 millions de pratiquants en Inde, basée sur la non violence, la tolérance et l'honnêteté. Ce sont des extrêmes pacifistes, au point que certains se couvrent la bouche pour éviter d'avaler un insecte ou refusent de prendre le bus qui tue parfois des animaux. Le plus drôle, c'est qu'ils font partie des castes les plus riches, car tout le monde leur fait confiance pour les transactions commerciales.

    100
    1444 pilliers aux détails impressionants

    Adinath Temple Ranakpur
    Un seul de ces piliers n'est pas droit, car "dieu seul est parfait, pas l'homme"

    Adinath Temple Ranakpur 2
    En fin d'après-midi, l'atmosphère de ce temple à l'architecture si complexe et détaillée était véritablement seraine
    Je voulais m'endormir là, entre ces dômes, chapelles et pilliers, dans la fraîcheur des derniers rayons du soleil.
    De retour au camp, le personnel était aux petits soins. Déçus que je refuse de voir un film dans leur cinéma en plein air, ils en ont quand même lancé un le son à fond, pendant eviron un quart d'heure, avant de tout arrêter brusquement. Petite frayeur. J'ai dormi comme un bébé jusqu'à 9h.

    103
    Coucher de soleil depuis la terrasse

    21 01

    Au programme, Kumbhalgarh, puis Udaipur. Kumbhalgarh est à une dizaine de kilomètres de Ranakpur à vol d'oiseau. Soixante par la route. Mais quelle route ! Finie la monotonie des non paysages autoroutiers.

    104
    Une première partie forestière montante qui regorge de singes parqués au bord de la route. Il me restait quelques bananes achetées la veille (je ne pensais pas que ça m'arriverait un jour) pour finir d'achever mes problèmes de transit intestinaux. Inutile de vous dire qu'eux ont achevé mes bananes. On alterne ensuite entre des étendues arides et caillouteuses et des terres cultivées, le long d'une rivière.

    Ranakpur road 2
    Cinquante nuances de vert
    La route est dans un sale état, mais pas à flanc de montagne. Ouf, car elle trop étroite même pour une voiture et une moto. J'ai pris le temps de m'arrêter de nombreuses fois pour observer ces paysages ruraux à couper le souffle. La vie modeste des travaux des champs : les hommes en turban, les femmes toutes en couleurs, menant leur troupeux de boeufs ou cultivant leurs terres. L'un d'entre eux est venu me parler, curieux mais très réaliste quand à ma présence dans le secteur.

    Ranakpur road 3
    La route suit une rivière pendant quelques kilomètres
    Le tout sous un soleil radieux et une température idéale, malgré le petit kilomètre d'altitude. On se sent bien.

    Kumbhalgarh
    Kumbhalgarth, la Grande Muraille d'Inde
    Le surnom que chacun donne spontanément à cette forteresse et sa muraille, tant la ressemblance avec la chinoise est frappante. Construite au XVIè siècle, désormais classée à UNESCO, elle ne protège plus aucune ville. Depuis n'importe quel terasse, la vue sur les montagnes arides des alentours est magnifique. Je n'ai pas trouvé de casier pour poser mon sac. Avec le soleil de midi qui tapait, tout comme mon estomac, j'en ai fait le tour en une demi-heure. En sortant, je me suis rendu compte que j'avais zappé le passage au guichet, et de fait, économisé environ cinq euros. Le garde, me voyant arriver l'air épuisé et chargé comme un mulet, a dû se dire que j'avais forcément mon ticket. 

    108
    Environ 50 km avant Udaipur
    Arrivée à Udaipur au coucher du soleil après trois bonne heures de route. A la fin de cette journée, lje me dis que le mieux aurait été de sortir des sentiers battus. Le problème, c'est qu'ils ne figurent pas dans les guides. On peut facilement se retrouver dans une zone de traitement des eaux usées à l'odeur insoutenabe. Dans une zone militaire s'étendant à perte de vue, sur une route longeant un grillage de barbelés avec des pancartes très claires sur le fait qu'on va mourrir si on met un pied dedans. Dans des décharges sauvages habitées par des cochons d'Inde ou bien juste en plein désert naturel et humain. Pas de regrets à avoir, les grandes villes restent dignes d'intérêt. Par contre, les grandes routes le sont beaucoup moins.

  • 19/01 - Road trip au Rajasthan [Jour 2] - JODHPUR - Route banale, conditions précaires - "Lâcher prise"

    8h du matin. Je me réveille brusquement. J'ai à peine dormi deux heures. Les chiens ont hurlé à la mort toute la nuit. Ma petite chambre aux murs si fins n'isolait aucun son, que ce soient les aboiements, les klaxons ou les voix. Je me souviens avoir fait répéter plusieurs fois mon alarme programée à 6h du matin. On oublie d'emblée l'idée du temple. Dommage.

    19 01

    D'un côté, je voulais abattre tous les chiens de Pushkar un par un. De l'autre, ayant vu comme ils sont traités ici, ils me faisaient un peu pitié. Chétifs, pleins de puces et d'infections, obligés de manger des déchets, voire leur propre merde, pour survivre. Le jour, ils dorment (parfois en plein milieu de la route), la nuit, ils se plaigent, et se foutent sur la gueule. Même le chien des voisins, pas de rue que je sache, se faisait une joie de participer à ce concours d'éloquence. Pour le coup, j'avais plus envie d'abattre son maître. Le gérant m'a dit que c'était un vrai problème ici. Apparement, plusieurs d'entre eux l'ont rapporté à la mairie, qui est trop fainéante pour faire quoi que ce soit. Cet homme m'a dit que si ça continuait, il embaucherait quelqu'un pour les caillasser (les chiens).

    Jodpur
    Coucher du soleil depuis la Forteresse de Mehrangarh 
    Un café (au gingembre, pouah !) et c'est ti-part ! On ne peut pas dire que ça ne va pas, je n'ai pas dormi assez longtemps pour être trop assomé, ni pas assez longtemps pour ne pas être assez réveillé. Toujours un peu nauséeux, mais je tiens la route. Quitté Pushkar, j'arrive à m'oublier pour piloter d'abord avec mes sensations. Le pire, c'est d'essayer de se concentrer, pratique assez paradoxale. Quand on débute comme moi, c'est inévitable dans un premier temps. Il n'y a que lorsque la confiance vient qu'on arrête de penser et qu'on peut vraiment en profiter. Comme pour tout, le plaisir vient avec le "talent" qui vient avec le temps. Les quatre heures d'hier étaient amplement suffisantes pour que je familiarise avec le concept.
    Si je pouvais profiter d'autoroutes dégagées en permanence, quel dommage qu'elles soient si fades. C'est du semi-aride tout le long, sans aucune vue d'ensemble. Les côtés de la route sont en permanence bordés des mêmes arbres. On tombe régulièrement sur des villages, mais eux aussi sont tous globalement les mêmes. De type hybride, ni modernes ni ancien, peuplés de fermiers connectés, de jeunes bien habillés et de femmes en tenues traditionnelles, des fils electriques, des restaurants et des ordures partout. Même les vaches sont si prévisibles. J'ai beau voir fréquemment des troupeaux au milieu de la route, il n'y a jamais d'accident ! Sans déconner, j'espère que le chien qui faisait le mort ce jour-là était juste en train de dormir pèpère sur la route. Cette épisode routier sans saveur est sans doute le meilleur moment pour vous énoncer les nombreux problèmes de ma petite pulsar 150.

    Jodpur canon
    Canon sur les remparts du fort
    Pour commencer, le kick. Ma plus grosse frayeur à la base est devenu un véritable problème, beaucoup plus dangereux que celui que j'avais prévu. Dès que je vais un peu vite, cette saloperie ne cesse de tomber entre mon pied droit et la pédale de frein. Je finis par avoir le réflexe de le lever avant de freiner, mais p***** (putain), en cas de freinage d'urgence, vous me l'accorderez, c'est pas optimal. J'ai fini par l'accrocher avec du fil. Sinon, mécaniquement, c'était presque parfait. A part la troisième vitesse vitesse qui se transformait en première selon son humeur, rien à redire là dessus. J'ai déjà évoqué l'absence de rétros et de visière. Comme si ça ne suffisait pas, l'aiguille du compteur de vitesse et d'essence est bloquée plein sud. Pratique quand on est en plein désert. Le truc, c'est qu'il manque aussi un bouchon au réservoir, situé entre le siège et le guidon. Il y a le "capuchon" verrouillable, mais cet incapable laisse fuiter de l'essence quand la moto est vérouillée à l'arrêt, et donc légèrement inclinée sur le côté. L'art consiste à s'arrêter droit ou stationner avec un réservoir semi-plein. Pas très pratique non plus. Je vous en garde un peu pour les prochains épisodes.

    Fort Jodhpur
    Jodhpur entre les murailles
    Rencontre intéressante d'un groupe d'indiens, dans une gargote sur la route à environ 100km de Jodhpur. Ils étaient tous super curieux, en cercle autour de moi, à me poser des questions dans un anglais approximatif. C'était bien marrant et le thé était bon. L'avantage de voyager en moto, c'est la spontaneité assurée des rencontres. Quand je leur dit ou qu'ils constatent que j'ai une moto, on part tout de suite d'un bon pied. Pas de sous entendu commercial, car mon parcours et mon moyen de transport sont prédéfinis. Dans votre gueule les tuk-tuk !

    La cité bleue, vieille ville de Jodhpur

    Jodpur 2
    Vue du toit de ma guesthouse
    Deuxième ville du Rajasthan avec un peu plus d'un million d'habitants, c'est la "Sun City", ville la plus ensoleillée d'Inde. Elle est à la frontière du désert du Thar. La forteresse de Mehrangarh, qui se voit à des kilomètres, surplombe la ville de manière imposante.

    Jodhpur marché
    Les rues sont de plus en plus vivantes et animées au fur et à mesure qu'on s'approche du fort

    Jodhpur Clock Tower
    Ma chambre d'hôte à deux pas de la forteresse m'a contraint à emprunter l'artère commerciale de la Clock Tower à l'heure de pointe.

    Jodhpur centre
    Imaginez un Times Square où chacun est en scooter. On force comme on peut.
    Je pose mes affaires, pour un repas rapide sur le toit de ma chambre d'hôte à la vue imprenable avant de foncer en direction de la forteresse une heure avant sa fermeture.

    Fort Jodhpur 2
    Forteresse du XVè siècle s'élevant 140m au dessus de la ville. De loin, il semble en bois mais est entièrement en calcaire ocre.

    Fort Jodhpur 3
    Très touristique, c'est plus un musée qu'un fort

    92
    Avant d'arriver sur les remparts, on passe par plusieurs cours, chambres royales, des salle de miniatures, d'armes de guerre, d'armures et même de nacelles d'éléphants.
    On trouve la racaille touristique comme on l'aime. Celle qui se prend en photo avec tout ce qu'elle trouve, de manière immédiate dès l'arrivée dans une pièce. J'avoue, je fais le vieil aigri, mais souvent il m'arrive souvent de me demander "pourquoi j'ai pris ce tableau ou cette pièce ?" Sincèrement, même moi ça ne m'intéresse pas de revoir cette photo mal cadrée du tableau d'un tel maharaja dont j'ai oublié le nom et l'histoire. Si je fais des progrès, le savoir ne m'empêche pas de continuer. A mon avis, le bruit du déclencheur de mon reflex rend accro.

    Opium Jodhpur
    Atelier fumage d'opium
    Ahurissant, aussi, le nombre de jeunes qui voulaient prendre un selfie avec moi. Au début, j'étais surpris et flatté de réaliser qu'ils voulaient non pas que je les prenne, mais que je sois sur leur photo. A la fin, j'étais carrément saoulé. En descendant du fort, j'étais un moment derrière un couple de vieux qui photographiait les gens devant chez eux comme des animaux au zoo devant leur cage. Sans leur demander, dans le plus grand des calmes.

    93
    La vieille ville qui s'étend de l'horloge au fort est un autre labyrinthe de ruelles étroites où s'enchaînent le fouillis du bazar continuel et la tranquilité de certaines rues plus calmes.

    Jodhpur marché 2
    Vendeurs de fruits au pied de la Clock Tower

    Jodhpur old city
    C'est Jaipur en bleu

    Peut-être avec un aspect plus intimiste. Les portes des gens sont ouvertes sur la rue et on peut sentir l'odeur des cuisines venant de l'intérieur. Très vivant et authentique. Toujours des rabateurs et un vacarme d'enfer, mais plus rafraîchissant et colorée que l'imposante Jaipur. Parmi les touristes étrangers, il paraît que 50% sont français. Les vendeurs connaissent les phrases d'accroche dans la langue de Depardieu. Comment ruiner un peu l'authenticité et la magie du lieu...